Cruzille préhistorique ou protohistorique
L’inventaire du SRA (Service Régional d’Archéologie) recense à Cruzille des vestiges des différentes époques :
- Paléolithique à la Roche Sainte Geneviève, Vignes du Maynes, Sagy le Bas (silex, pierres),
- Néolithique à « La verchère » , Sagy le Bas et à Collonges (pierres ),
- Age du Bronze à Collonges,
- Age du Fer à Fragnes : restes de remparts, céramiques et matériel lithique (pierres).
Station Paléolithique de Sagy , lieu-dit Chez Libet ( ou Quart-Martin ), découverte en 1954
Étude réalisée en 1956 par Maurice Bonnefoy et Henri Parriat
Depuis près de 2 siècles sont observées, sur notre commune des découvertes d’objets remontant à la Préhistoire paléolithique ou néolithique. Parmi les études réalisées, au cours du XX° siècle, on trouve notamment celles de deux personnalités importantes de l’archéologie, dans notre région. En 1956, Maurice Bonnefoy et Henri Parriat ont fait paraître, une étude relative à deux stations paléolithiques découvertes en 1954 : l’une à Sagy et l’autre sur la Montagne Sainte Geneviève (appellation utilisée par les auteurs à l’époque), étude fournie de nombreux dessins et quelques photos.
Les deux chercheurs expliquent que le hameau de Sagy est situé au fond d’une dépression creusée dans les marnes de l’Oxfordien (1), dominé à l’ouest par le Mont St Romain, et fermée à l’est par une ligne de hauteurs en calcaires durs du Corallien (roches sédimentaires provenant de la mer présente ici il y a 170 millions d’années). Le ruisseau de Sagy, l’Ail, a ouvert dans cette barre rocheuse une cluse étroite pour s’élancer vers la plaine de La Saône. La Roche Sainte-Geneviève est un ensemble de débris de cette falaise corallienne dont le promontoire continue à dominer la cuvette de Sagy.
À l’époque de l’étude, déjà, il était difficile d’estimer l’étendue de ces stations car la vallée était largement occupée par des prairies, c’est dans les vignes et les champs fraîchement labourés situés rive gauche de l’Ail qu’ ont été trouvées les pièces les plus intéressantes, au lieu-dit « Chez Libet ». Ils ajoutent que dès qu’on s’éloignait au Nord les trouvailles devenaient rares, ce qui les amenait à penser que le centre de la station devait être peu éloigné du ruisseau, l’habitat s’étendant sur tout le fond du vallon, d’autant plus que le site était bien alimenté en eau par le ruisseau et sa source, et assez protégé des vents d’ouest par le St Romain et de ceux du nord par les hauteurs de Cruzille .
Dans ce site il a été récolté un important matériel lithique (dont le matériau est la pierre) composé de très nombreux silex dont la plupart sont de simples éclats de débitage, et un petit nombre de véritables outils ou instruments élaborés. Le silex, dont sont constituées les pièces, de couleur brune ou légèrement bleutée, est d’excellente qualité, d’ un grain fin et doit provenir des nappes éluviales (2) d’argiles et de sables, du Crétacé (3) qu’on trouve en Mâconnais, notamment entre Lugny et Saint-Maurice-de -Satonnay.
Ces silex dont l’épaisseur du cacholong (4) dépasse parfois 2mm, de couleur crème à la surface, sont tous fortement patinés . Il y a parmi eux plusieurs Nucleus (blocs de pierres débités pour produire des éclats ou des lames ) qui sont intéressants car ils renseignent sur les techniques de débitage ; les auteurs remarquent que les plus volumineux ont été débités sans méthode, alors que les plus petits présentent un plan de frappe très net obtenu par une seule frappe. Selon eux, parmi ces nucleus, il n’y en a pas qui aient été aménagés en outils tels grattoirs carénés, rabots comme on en observe à l’Aurignacien (5). L’outillage observé consiste en pointes, racloirs, alésoirs, et lames retouchées ou non.
Une longue liste de tous les silex remarquables récoltés est alors dressée accompagnée de descriptions :
- des pointes moustériennes (5) ( l’un des 3 principaux outils, avec le racloir et le biface, identifiés dans la longue période moustérienne ),
- une « limace » ( arme ? ) ainsi nommée par les auteurs, pièce N°7, décrite comme très belle, mesurant 9,3 cm de longueur et 4,4 cm de large, et accompagnée d’une photo,
- des grattoirs en grand nombre, d’assez belle facture,
- quelques alésoirs (outils pour forer et polir des trous),
- une dizaine de lames (outils pour couper).
La description s’achève en disant que le matériel semble assez homogène, et typiquement moustérien (5) pour beaucoup, même si quelques uns semblent annoncer l’Aurignacien (5) , voire le Périgordien (5), remarquant l’absence totale de burins. Les propos sont tempérés par l’espoir que des études plus approfondies, et systématiques, soient menées et permettent d’affiner ces conclusions et voire les modifier.
Station paléolithique du plateau de Sainte-Geneviève
Etude réalisée entre 1954 et 1956
Les auteurs, à la fin de leur étude sur la précédente station observent un autre emplacement, voici le résumé de leurs propos :
L’accès n’en est pas facile du fait que le plateau est entièrement boisé. Les pentes supérieures étant elles en friches, apparaissent un peu plus favorables à la prospection ; ainsi partout où le sol est à nu, suite au ravinement ou à l’action des animaux, on trouve des silex. Sur la Roche Sainte-Geneviève, au bord de l’escarpement, les trouvailles sont plus nombreuses, ce qui laisse penser que c’est là que se trouvait le centre de la station, même si ces lieux ont livré assez peu d’instruments en silex, et souvent fortement « cacholonnés » (4) : un grattoir à dos relevé comparable à ceux trouvés à Sagy, une lame épaisse prismatique, un petit racloir sur lame et une pointe foliacée retouchée sur ses deux faces, d’un assez beau travail. Il est impossible de dater cette station du fait de cette trop petite récolte, même si la pointe, aux touches plates et parallèles, évoque plutôt la facture solutréenne (5).
Les auteurs espèrent que d’autres explorations auront lieu car ils pressentent une station importante.
L’ensemble de l’étude est illustrée d’un grand nombre de planches de dessins des diverses pièces par M. Bonnefoy et H. Parriat. Viennent ensuite reproduites des notes d’Henri Parriat relatives aux pièces découvertes et aux conclusions.
Complément récent à cette étude par Maurice Bonnefoy (2001)
Station du Quart-Martin : « Cette station que j’ai découverte le 1er septembre 1954 se trouve aujourd’hui (2001) enserrée au milieu de constructions récentes, un peu au nord du ruisseau l’Ail qui prend sa source au hameau de Sagy-le-Haut.
Les silex recueillis en surface, dans un terrain en labour étaient au nombre de 202, actuellement conservés au Musée des grottes d’Azé…
…À noter que 5 outils dessinés par Henri Parriat sont manquants : l’ensemble de ce matériel avait, à une certaine époque, été déposé à l’Écomusée du Château de la Verrerie au Creusot, par René Desbrosse. La conservation très aléatoire de cette « réserve » ayant entraîné sa suppression, ce matériel fut confié à l’association des grottes d’Azé mais certains objets furent dispersés ou égarés. »
Station de la Roche Sainte-Geneviève : « Cette station fut découverte en septembre 1954, et les silex recueillis en surface parmi les zones dénudées du sol entièrement recouvert de buis à l’époque. »
On pourra retrouver avantageusement, le texte dans son intégralité dans la revue Physiophile N°158 de juin 2013
Notes
(1) « Oxfordien » : période de l’échelle du temps géologique appartenant au Jurassique, de -203 Millions d’Années (Ma) à -140 Ma (cf G.S. Odin).
(2) « Éluvial » : relatif aux éluvions, à ce qui reste en place d’une roche après sa désagrégation.
(3)Le « Crétacé » est une autre période de l’échelle du temps géologique qui s’étend de -145 à -65 Ma environ. Elle se termine avec la disparition des dinosaures et de nombreuses autres formes de vie. Cette période est la troisième et dernière de l’ère « Mésozoïque » ; elle suit le « Jurassique » et précède le « Paléogène ».
(4) « Cacholong » : terme mongol désignant la matière opaque, blanc mat, ressemblant à de la porcelaine, formant la bordure de certains silex, d’où l’expression « fortement cacholonnés » utilisée par M. Bonnefoy et H. Parriat pour indiquer une forte épaisseur de cacholong.
(5)Les cultures du paléolithique supérieur sont classées en faciès d’époques différentes : le « Moustérien » correspond à l’industrie lithique comprise entre 300 000 ans (ou 200 000 ans) et 30 000 ans avant notre ère.
L’ « Aurignacien » est un faciès industriel du début du Paléolithique supérieur ( -40 000 ans à -25 000 ), caractérisé par son industrie osseuse et lithique ; il semble correspondre à l’arrivée des hommes anatomiquement modernes. Le « Périgordien » est une culture reconnue par certains à l’intérieur de l’Aurignacien ou post-aurignacienne. Viennent ensuite le « Solutréen » de -22 000 à -18 500, reconnu bien sûr dans nos régions, puis, marquant la fin du Paléolithique supérieur le « Magdalénien », vers -17 000 à -10 000.