L’esca, maladie de la vigne

L’esca

L’esca est une maladie cryptogamique connue depuis très longtemps.

Les écrits des grecs et des romains en faisaient déjà mention, c’est la plus ancienne des maladies de la vigne et c’est l’une des plus graves puisqu’elle s’attaque directement à la souche de la vigne.

L’esca est présent dans la majorité des vignobles français et est observé sur les vignes d’au moins 8 ans. Cette maladie s’exprime de façon nette depuis 2001, date à laquelle l’utilisation des spécialités à base d’arsénite de soude a été interdite par la mutualité sociale agricole pour des raisons de toxicité envers l’utilisateur.

Les vignes âgées de 15 à 25 ans sont aujourd’hui les plus touchées et les symptômes sont très fluctuants d’une année sur l’autre. En cas de stress hydrique les dégâts sont bien plus importants.

Les symptômes apparaissent généralement à partir de juin – juillet sous deux formes :

  • la forme lente qui se caractérise par une décoloration inter-nervaires (jaune-orange pour les cépages blancs et rouge pour les cépages rouges), évoluant vers un dessèchement complet du cep.effets-de-l-esca
  • La forme sévère qui, elle, se caractérise par un dessèchement total et rapide, en quelques jours voire en quelques heures, de la végétation.effets-de-l-esca-2

Cette maladie est très complexe puisqu’elle implique plusieurs champignons. La dissémination des spores se fait par voie aérienne toute l’année ou pendant la période végétative selon le champignon et la contamination s’effectue par les plaies de taille qui constituent une porte d’entrée.

D’année en année le phénomène s’amplifie et il n’y a pas de solutions miracles. L’impact sur les exploitations est de plus en plus fort causant de réelles difficultés en matière d’entretien du vignoble, tant d’un point de vue économique que dans l’organisation du travail.

Globalement une exploitation remplace environ 2% de ses ceps chaque année avec un coût de remplacement estimé à 6€ par cep.

Les moyens de lutte contre l’esca sont essentiellement prophylactiques, il faut donc :

  • arracher les ceps atteints puis les brûler (il est interdit de stocker des ceps en pleine nature afin d’éviter la dissémination)
  • limiter autant que possible le nombre et la grosseur des plaies de taille en évitant les coupes rases.
  • remplacer les pieds malades

A ce jour, il existe un produit de biocontrôle qui a été homologué courant 2014.

Ce produit est un micro-organisme vivant (le Trichoderma atroviride) qui est capable de coloniser les plaies de taille, de pénétrer dans les bois et de s’y installer durablement au détriment du champignon pathogène responsable de l’esca.

Son efficacité est malheureusement limitée car il n’a qu’une action préventive avec des conditions d’application assez draconiennes.

Il faut aussi noter qu’une société, appelée Génodic, a mis au point une méthode musicale. Elle consiste à diffuser des mélodies capables “d’influer sur la synthèse des plantes” et de stimuler leur résistance naturelle. Les protéodies* diffusées depuis des hauts-parleurs inhiberaient le développement de l’Esca.diffuseur-genodics3

Ce dispositif a été mis en place par la cave coopérative de LUGNY sur notre commune au lieu- dit « le champ carriaud » sur une parcelle de Daniel CHEVENET.

Julien GUILLOT a aussi installé ce système  aux Vignes du Maynes.

Les viticulteurs étaient très sceptiques sur l’efficacité de ce dispositif et les essais semblent confirmer leurs craintes puisque la maladie est toujours aussi présente dans les parcelles environnantes.

La régression de la maladie est compliquée à évaluer puisque les symptômes fluctuent d’une année sur l’autre.

La lutte contre l’esca sera longue car la recherche n’avance pas très vite, c’est pour cette raison que certains viticulteurs appellent cette maladie le phylloxéra du XXI siècle.

Qu’est ce que la protéodie ?

Joël Sternheimer, diplômé en physique de l’université américaine de Princeton, a donné aux mélodies des protéines le nom de « protéodies », des mélodies qu’il suffit de diffuser pour stimuler ou inhiber une protéine et donc les fonctions de certains organismes vivants. Les travaux de Joël Sternheimer ont permis de décoder la bonne série de notes qui inhibe le fameux champignon esca, celui qu’aucun produit chimique ne parvient à éliminer.

Être viticulteur, aujourd’hui à Cruzille

Les années ont passé, avec elles, des guerres, des modes, des lois, des épreuves, des usages, des crises, ont passé aussi. Avec ces années, sont arrivés aussi la modernisation, les tracteurs, les enjambeurs, les plans agricoles, l’organisation de la profession, des nouvelles maladies…

En 2014 Cruzille compte 150 hectares de vignes, c’est beaucoup moins qu’avant le phylloxéra où elle s’étendait sur 432 ha ! Beaucoup de ces vignes, alors, étaient situées de « l’autre coté de la montagne » sur Fragnes et Ouxy. En 1,5 siècle, la physionomie a changé, après arrachage, les vignes se sont reconstituées essentiellement sur les côteaux exposés est ou sud-est de la commune et sur ses plateaux. Le versant côté Grosne a presque été abandonné sauf quelques vignes, dernier petit bastion, sur la partie cruzilloise de l’Échelette !

vignes

Après des années à produire beaucoup de vin rouge, progressivement, le vin blanc est devenu notre principale production, et le chardonnay a bien souvent remplacé le gamay. Nous trouvons maintenant exclusivement trois cépages : le chardonnay majoritairement, le pinot noir et le gamay. À partir de ces cépages, les viticulteurs peuvent revendiquer différentes « Appellations d’Origine Contrôlée » :

  • Le Mâcon blanc, le Mâcon Cruzille, le Crémant de bourgogne à partir du chardonnay
  • Le Mâcon rouge, le Mâcon Cruzille rouge, le Crémant de bourgogne à partir du gamay
  • Le Bourgogne rouge et le Crémant de bourgogne à partir du pinot noir.

Toutes ces appellations, peuvent être vendangées à la machine, sauf pour le Crémant de Bourgogne où le raisin ramassé à la main est transporté dans des caisses percées (cagettes).

Aujourd’hui, sur Cruzille, on peut estimer à une petite quinzaine le nombre de vignerons ou viticulteurs : trois indépendants dont deux en viticulture biologique et une douzaine de coopérateurs. On peut leur adjoindre un certain nombre de co-exploitants (épouses ou membres des familles), des ouvriers, des chefs de cultures ou autres professions associées, des travailleurs saisonniers. C’est donc qu’un assez grand nombre de Cruzillois vivent encore de la vigne !

La taille de la vigne :

On trouve plusieurs modes de conduite « taille » suivant les cépages.

Le gamay, le pinot sont historiquement taillés en Guyot simple, c’est-à-dire un courson à deux bourgeons et une baguette à 6 à 8 bourgeons.

Le chardonnay est principalement conduit en taille à queue du Mâconnais soit en Guyot arcure. La particularité de l’arcure est que la baguette n’est pas pliée à plat mais en anse de panier, Ce pliage permet de freiner les flux de sève vers l’extrémité des bois atténuant ainsi l’acrotonie. 

La période de taille la plus propice s’étale entre décembre et mars, les viticulteurs utilisent le sécateur électrique, parfois le pneumatique. Les bois de taille sont encore souvent brûlés dans les rangs dans des brouettes réservées à cet effet. D’autres viticulteurs vont laisser les sarments en andins dans les rangs pour ensuite les broyer. Ce procédé permet une restitution des sels minéraux au sol. Vient ensuite la période du pliage, où une personne devra passer devant chaque cep pour attacher ses baguettes sur les fils.

Les travaux « en vert » :  

Ainsi appelés parce que la vigne a démarré sa végétation, ils vont se faire manuellement ou mécaniquement. Se succèdent ébourgeonnage, épamprages et relevage.

Le relevage ou accolage viendra au printemps, quand la végétation sera bien partie, il consiste à maintenir verticalement la végétation à l’aide de 2 fils releveurs.

Les rognages seront réalisés pour obtenir un équilibre entre la surface foliaire exposée et les grappes développées. Il faudra plusieurs rognages durant la saison.

La protection de la vigne, les travaux du sol, et les maladies et leurs problématiques :

Depuis un certain nombre de décennies il est possible d’adopter différents modes de production, on parlera de nos jours de viticulture raisonnée, de viticulture intégrée (où on se soucie de la faune auxiliaire notamment les typhlodromes) ou de viticulture biologique. On trouvera quelques exemples illustrant certains courants dans ces pages.

La lutte raisonnée a pour objectif de lutter le plus efficacement possible contre les ravageurs et les maladies de la vigne, le déclenchement des traitements est réfléchi, les doses adaptées au volume foliaire et la pulvérisation réalisée dans des conditions météorologiques adéquates.

Il y eut une époque où les calendriers de traitements étaient bâtis avant la campagne (viticulture conventionnelle) ne tenant donc pas compte d’une année sèche comme d’une année humide (propice aux maladies), la vigne supportait, à peu près toujours le même nombre de traitements. Heureusement une forme de raison l’a emporté et l’utilisation des pesticides et autres produits se réfléchit davantage.

La terre pourra être labourée ce qui évitera de la désherber chimiquement, et limitera les effets d’érosion sur les sols. Bref, un certain nombre de recommandations s’organisent de plus en plus pour réduire les impacts chimiques sur les sols et la végétation et ainsi mieux respecter la biodiversité et le monde de la profession.

L’agriculture biologique à Cruzille

Deux vignerons indépendants en agriculture biologique aujourd’hui

Deux exploitations viticoles indépendantes, en agriculture biologique existent à Cruzille : le Domaine Guillot-Broux et Les vignes du Maynes. À l’origine c’est leur grand-père commun, Pierre Guillot qui créa en 1954 l’une des premières exploitations viticoles en agriculture biologique. Deux fils ayant poursuivi l’activité, chacun de leur côté, ce sont aujourd’hui les petits fils qui conduisent les deux exploitations. À elles deux, ce sont près de 25 ha en viticulture biologique à Cruzille, soit globalement 1/6° du vignoble de la commune (avec une partie sur Grevilly et Chardonnay) couvrant 3 appellations : pour les blancs, “Mâcon-Cruzille”, (Mâcon-Grevilly a fusionné avec Mâcon-Cruzille) et pour les rouges “Bourgogne” et “Mâcon-Cruzille”, auxquelles on ajoute, pour l’une du “Crémant” et pour l’autre du “Mâcon-Chardonnay”.

Le domaine Guillot Broux, créé en 1978 par Jean-Gérard Guillot, est géré aujourd’hui par ses trois fils Ludovic, Patrice et Emmanuel qui se répartissent les différentes tâches d’exploitation, en viticulture biologique, avec 17ha répartis en 9 ha de blancs (Chardonnay) et 8 ha de rouge (Gamay et Pinot noir).

Ils cultivent et vinifient de façon traditionnelle. La taille en baguettes Guyot simple et cordons Royat permet de limiter les rendements (50hl/ha en moyenne sur les rouges et 40hl/ha pour les blancs), les vignes sont labourées. Les vendanges sont manuelles. L’élevage est fait en fûts de chêne, pièces bourguignonnes de 228 l, sans levure exogène. Leur production annuelle moyenne est de 85 000 bouteilles certifiées Ecocert, vendues au niveau national et international.

Les Vignes du Maynes est le domaine historique. Ses terres auraient été exploitées à l’origine par l’Abbaye de Cluny. Aujourd’hui, Julien Guillot, fils d’Alain, exploite en biodynamie le clos des Vignes du Maynes de 6,60 ha et une terre « En Chassagne » de 1,50 ha, soit 7,60 ha au total dont 1/3 en chardonnay, 1/3 en gamay et 1/3 en Pinot noir, permettant la production de 30 000 bouteilles, en moyenne, par an.

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Le vin biologique ? Le soufre

Plusieurs Labels existaient depuis longtemps, AB (Agriculture biologique ), DEMETER (label de Bio-dynamie)… Depuis 2012, une charte de vinification européenne décrit des conditions très strictes à respecter telles que : concentration en SO2 ( inférieure à 150mg / l de soufre pour les blancs et inférieure à 100mg /l pour les rouges ), présence interdite de ferrocyanure, chaptalisation uniquement avec des sucres ou moûts concentrés rectifiés issus de l’agriculture biologique. Les levures utilisées doivent être biologiques, garanties sans OGM.

C’est le respect de cette charte qui va permettre, d’apposer la mention «Vin biologique».

L’agriculture biodynamique, que Julien Guillot pratique depuis 1998, est un système de production agricole inspiré par l’anthroposophie, dont les bases ont été posées par Rudolf Steiner dans une série de conférences données aux agriculteurs en 1924.

L’agriculture bio-dynamique possède de nombreux points communs avec l’agriculture biologique, comme la non utilisation de produits de synthèse lors des traitements contre les maladies. Par contre, en viticulture par exemple, le cuivre est utilisé à des doses limitées à 15 kilogrammes par hectares pour 5 ans pour une moyenne de 3 kg à l’année soit moitié moins qu’en biologique. Pour limiter l’utilisation du cuivre, des tisanes et des décoctions de plantes comme la prêle, l’ortie ou l’osier sont incorporées aux bouillies de traitements, les substances naturelles contenues dans ces plantes sont diffusées dans l’eau des tisanes et assurent une protection contre le mildiou permettant l’usage du cuivre à des doses beaucoup plus faibles qu’en viticulture biologique.

Elle prend également en compte l’influence magnétique de la terre, de la lune et du soleil dans le développement de la plante et de ses défenses naturelles. La biodynamie utilise par ailleurs les plantes et les minéraux, sous forme de dilutions et de macérations afin de soigner et équilibrer les cultures. La biodynamie en viticulture s’est développée depuis une cinquantaine d’années en France et est assez répandue aujourd’hui. Des vignobles prestigieux comme le domaine de la Romanée-Conti en Bourgogne, sont aujourd’hui cultivés en biodynamie.

Notre vigneron, s’appuie sur le calendrier planétaire de Maria Thun, qui indique l’influence des 12 constellations et des 4 éléments fondamentaux : les jours racine (terre), jours feuille (eau), jours fleur (air) et jours fruit ( feu).

Les préparations sont à base de compost de bouse de corne, de silice, etc….

Il pratique depuis 2009 une taille en Guyot Poussard, qui favorise la circulation de la sève en double flux et limite les plaies de tailles qui contribuent à l’apoplexie des ceps attribuée jusque là à l’esca.

Lorsqu’on parle des atteintes graves que subit la vigne, Julien apparaît relativement optimiste et il souligne qu’un certain nombre de vignerons et viticulteurs se rassemblent pour mener des réflexions sur ces dangers et organiser des formations.

Il remarque que la prospection contre la flavescence dorée s’est bien organisée, ainsi que les zonages de traitements. Il faut que tous exigent auprès des fournisseurs de greffes une vigilance extrême pour limiter la circulation de greffes contaminées.

La lutte contre la flavescence dorée et contre l’Esca est donc au cœur de ces débats, et il faut absolument que tous réfléchissent à des alternatives aux traitements pesticides, terriblement dommageables pour toute la biodiversité (dont les viticulteurs eux-mêmes, leurs familles et tous les habitants des régions traitées!).

“La terre ne t’appartient pas, tu l’empruntes à tes enfants” ont dit ces familles à leurs enfants. Cela ne résume-t-il pas l’importance de prendre soin du capital que l’on va transmettre aux générations futures ? Respecter l’environnement c’est aimer la vie et croire en l’avenir.

La viticulture, dernière chance pour l’économie locale

Dans les années 60, le gamin que j’étais se souvient de l’activité et de la sociologie de Cruzille.

Si le «  château » a toujours occupé une place prépondérante dans la commune au fil des années, il n’a pas pour autant vocation à créer de la richesse. Sa mission « sociale » est de toute autre nature.

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L’école communale, avec sa classe unique, jouxtait la mairie. Elle accueillait également les enfants de Grevilly.

A l’époque nous avions plusieurs commerces dont deux épiceries, une boulangerie, une boucherie, deux cafés, un coiffeur. Deux menuiseries et une entreprise de charpente couverture complétaient les activités non agricoles.

Notre monde paysan, à l’exception de deux élevages dignes de ce nom situés à Fragnes et Ouxy, se composait de nombreuses petites exploitations de polyculture. Elles vivaient grâce à quelques hectares de vignes, un peu de céréales, de l’élevage laitier ou allaitant avec en prime parfois un petit troupeau de chèvres apportant une touche régionale à ces productions.

En un mot «  Mille métiers, mille misères ».

Le vignoble hétérogène couvrait environ 70 hectares.

Dans la décennie 1980-1990, la spécialisation a vu le jour en direction de la monoculture de la vigne.

La structure de nos exploitations, le morcellement de nos parcelles et la qualité de nos sols ne pouvaient convenir qu’à cette production viti- vinicole, dont nous sommes si fiers à présent.

Aujourd’hui 150 hectares de vignes sont plantés sur notre commune, principalement encépagés  en chardonnay cépage mythique de la bourgogne et plus spécialement du Mâconnais.

Vinifiée en cave coopérative ou en caves particulières, notre production s’exporte pour moitié dans le monde entier, mais plus particulièrement dans les pays anglo-saxons.

Les exploitations viticoles sont de moins en moins nombreuses mais de plus en plus importantes. La mécanisation et les nombreuses innovations qui ont jalonné les dernières décennies auront permis d’accroître la productivité sans pour autant porter atteinte à la tradition, fer de lance de notre communication.

Elles sont aussi créatrices d’emplois avec toujours beaucoup de travaux manuels dans les productions d’AOC qui sont les nôtres.

Alors oui CRUZILLE est bien une commune viticole à part entière dans ce vignoble mâconnais dont la notoriété ne cesse de s’affirmer au fil des années.

Nous avons cette chance inouïe d’appartenir à cette bourgogne viticole qui fait rêver les consommateurs du monde entier.

Oui notre métier se complexifie de plus en plus avec des normes qui n’en finissent pas de voir le jour.

Oui les aléas climatiques n’ont jamais été aussi présents et surtout aussi violents.

Oui l’apparition de nouvelles maladies peut nous inquiéter face aux impasses de la recherche.

Mais quelle production voire quelle profession n’a pas aussi son lot de soucis ?

Malgré tout, après 40 années passées dans ce beau métier et dont j’ai pu mesurer bien des facettes, je pense que nous devons croire en l’avenir de nos vins qui accompagnent si bien les moments d’échange et de convivialité.

Michel BALDASSINI

Et demain ?

Que sera Cruzille demain ? Parviendrons-nous à préserver ce qui en fait sa beauté, son charme, sa valeur ? Il était bien difficile d’aborder tous les sujets autour de l’essence même du village, sa ruralité …

Nous aurions du bien sûr parler des abeilles et de leurs ruches, qui existent heureusement, mais pour lesquelles on s’inquiète beaucoup aujourd’hui, partout dans le monde …

Nous aurions pu vanter ses forêts, le cours de sa rivière l’Ail, ses teppes sur lesquelles poussent encore de nombreux buis, vestiges d’une grande époque où leur bois précieux faisait vivre ses habitants.

Nous aurions pu décrire les zones de nature préservée où vivent certains petits animaux rares et où poussent, encore, de si belles petites orchidées.

Nous aurions pu aussi nous interroger sur des projets de rapprochements avec d’autres communes.

Nous aurions du, sans doute, réfléchir aux questions de transition énergétique.

Nous le savons, il reste beaucoup à dire, à expliquer.

Nous espérons pourtant que ces quelques textes, illustrés, recueillis et rédigés soigneusement par quelques uns de ses habitants, donneront à tous l’envie de faire que Cruzille reste un village vivant auquel l’agriculture continuera à donner ses lettres de noblesse.

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La crise du Phylloxera 

La crise du Phylloxera : 25 ans de graves difficultés viticoles et autres à Cruzille comme ailleurs !

L’Alarme officielle du Phylloxera est donnée le 23 juin 1874, par le Préfet du Rhône qui signale, au Préfet de Sâone-et-Loire, sa présence à Villié-Morgon , aux portes du département. L’attaque progresse très vite et un an plus tard, l’extension du Phylloxera est fortement confirmée !

C’est seulement en 1876 (soit 2 ans plus tard) que l’attaque sera diagnostiquée à Cruzille mais la vigne y étant déjà soumise depuis 2 ans ! En 1880, 45 % des communes viticoles du Mâconnais sont touchées gravement.
Avant cette crise , la majeure partie du vignoble est constituée alors avec des ceps Vitis vinfera , particulièrement vulnérables au phylloxera..

Le phylloxera vastatrix est un puceron, originaire de l’Est des USA, qui a été introduit en Europe, avec des boutures venant d’Amérique entre 1858 et 1862. Il peut se propager de 2 façons, grâce à un cycle biologique complexe lui permettant d’affecter le feuillage ou les racines. Les affections au feuillage ont pu être traitée, mais c’est la présence des larves sur les racines qui n’a jamais pu être enrayée et qui a provoqué la destruction de la quasi totalité du vignoble français (et une grande partie des vignobles européens).

Tous les essais de traitements ont échoué. Assez rapidement, scientifiques et professionnels de la vigne se rendent à l’évidence : il n’existe aucun traitement et seuls, arrachage et replantation , avec de nouveaux ceps américains  greffés, pourront endiguer l’invasion.

Des cours de greffage des variétés du Mâconnais sur les pieds américains vont alors être organisés partout. Après arrachage, à partir de 1880 , il faudra une bonne vingtaine d’années pour reconstituer progressivement un nouveau vignoble. En 1891, il est noté partout que les vignes reconstituées ont un bel aspect et promettent de belles récoltes ; à partir de 1901, on note la disparition de toute trace de Phylloxera, et près de 92 % du vignoble mâconnais a pu être reconstitué. Pendant ces années noires, les vignerons du village vont être touchés gravement, et certains ne pourront pas faire face et seront contraints de chercher un autre travail ici ou ailleurs, quelques chiffres glanés dans les archives communales, nous font mieux percevoir la difficulté.

L’affouage, une pratique séculaire

Les origines de l’affouage remontent au moyen âge.
Le mot « affouage » date du XIIIème siècle et vient du verbe d’ancien français “affouer”, qui signifie “chauffer”, lui-même dérivé du latin affocare et de focus qui désigne le foyer. L’affouage constitue la survivance de l’ancien droit où, en contrepartie des travaux de “corvée”, les paysans partageaient en commun certaines possibilités d’utilisation des terres indispensables à leur survie, dont la forêt.

Actuellement, l’affouage peut être défini comme un mode de jouissance des produits des forêts communales ou sectionales* relevant du régime forestier. Il peut permettre chaque année à certains habitants de la commune ou de la section d’entrer en possession du produit des coupes qui leur sont délivrées. Les bénéficiaires sont dits “affouagistes”.

L’affouage n’est pas un droit pour les habitants. Seul le conseil municipal peut décider si les coupes affouagères seront vendues ou partagées en nature.

Ce dispositif original est réglementé par le Code forestier français promulgué en 1827 dans sa première mouture :

  • Le conseil municipal de Cruzille décide traditionnellement d’affecter une coupe de bois à l’affouage avec exploitation par les affouagistes. Il doit désigner trois garants. Il s’agit actuellement de MM. Point, Martin et Zingraff.
  • Les bénéficiaires doivent posséder un domicile réel et fixe dans la commune depuis au moins 6 mois. Ils s’inscrivent au rôle d’affouage et acquittent la taxe correspondante (50 €).
  • Les coupes des bois communaux destinées à être partagées en nature pour l’affouage, ne pourront avoir lieu qu’après que la délivrance en aura été préalablement faite par l’agent ONF, M. Denis Oriol.
  • Ce dernier réserve une partie des arbres conservés pour le repeuplement. Ces arbres sont marqués par une flache (enlèvement d’une partie de l’écorce) ou à la peinture.

Le mode de partage retenu à Cruzille est par feu (foyer d’habitation). Les parts affouagères (coupes) sont préalablement jalonnées et tirées au sort.
Il y a interdiction pour les bénéficiaires de vendre le bois qui leur a été délivré.

L’aménagement de la forêt

Il est remarquable de constater avec quelle sagesse le droit romain, puis les réglementations du moyen-âge ont prévu l’exploitation forestière. Colbert précisa ces règles. On peut dire que, depuis, elles ont subi peu de modifications, celles-ci tendant toujours à protéger le patrimoine forestier contre l’exploitation inconsidérée : la forêt est divisée en un certain nombre de parcelles qui sont exploitées les unes après les autres suivant un échelonnement conforme aux règlements, aux usages locaux aussi. Ces règlements ont toujours pour but soit de parer à des besoins extraordinaires, soit de pallier les accidents de végétation susceptibles de diminuer une production escomptée. Ainsi, les forêts communales ne seraient exploitées qu’aux trois quarts, d’où l’expression “quart en réserve”, c’est à dire celui qui ne sera exploité que pour répondre à des besoins spéciaux, sur autorisation préfectorale seulement. À Cruzille, il s’agit d’une parcelle de 3 ha 03 dans le bois de la Montagne et du bois de Moine en totalité (23 ha 49).

* Les biens sectionaux : bois, teppes et pâtures

Ce régime est lui aussi un pur produit historique issu de l’ancien droit, lui-même produit par les libéralités concédées aux habitants par les seigneurs sur des terres peu productives : c’est une survivance de modes de gestion moyenâgeux, banalités et autres alleux.

Avant l’année 1793, les biens communaux appartiennent aux communautés d’habitants qui sont le plus souvent identifiées par les sections de paroisses d’Ancien Régime.

Cruzille comprenait Colonges – siège de la paroisse – et Sagy, qui formaient deux communautés ; Fragnes et Ouxy n’en formaient qu’une. Sagy faisait partie de la paroisse deux ans sur trois (la troisième année, il devenait de la paroisse de Bissy la Mâconnaise). Fragnes et Ouxy faisaient de même avec les paroisses de Colonges et de Prayes.

Dans la grande enquête ordonnée par Colbert et réalisée par Bouchu, intendant de Bourgogne en 1666, on a la confirmation que Colonges et Sagy ont leurs droits respectifs au sujet des bois communaux. Fragnes et Ouxy n’ont pas de bois communaux, ils ont seulement le droit d’envoyer champoyer leurs bestiaux dans les bois du roi en temps de vaine pâture et d’y prendre du bois pour leur chauffage moyennant une redevance qu’ils payent au château de Brancion (pour Fragnes : 2 coupes de froment et 4 d’avoine, 2 poules et 1 sol 9 deniers pour chaque ménage. Pour Ouxy : 2 poules et 6 deniers d’argent).

La révolution française, consciente de la nécessité de ces biens pour permettre aux plus pauvres de n’être plus des serfs mais des citoyens, avec un minimum vital à exploiter, n’a pas mis fin à ces usages.

Après l’année 1793, les biens communaux d’Ancien Régime se sont divisés de manière anarchique en deux groupes :

  • certains biens communaux auxquels s’ajoutent les acquisitions ultérieures, qui appartiennent aux communes. A Cruzille on peut citer : les Tronches, le Chanay, les Chassagnes, en Vernebois …
  • les autres biens communaux qui deviennent biens sectionnaux car appartenant aux sections. Les forêts sectionales de Cruzille furent définies ainsi :

– la Montagne et la Goulette pour Sagy, soit environ 75 ha.

– les Genèvres, les Reppes, Prénagin, les Tessonnières et les Epines pour Colonges, soit environ 75 ha.

La gestion des biens de la section est assurée par le maire  et le conseil municipal. Toutefois, lorsque la section est assez importante (revenu cadastral important) et comporte suffisamment d’électeurs, elle peut élire un conseil syndical de trois membres qui participent aux décisions de gestion les plus importantes.

Les seuls conseils syndicaux élus dont on retrouve les documents aux archives municipales l’ont été le 15 novembre 1908. Ils ont été élus afin de statuer le 5 décembre 1908 sur la dévolution des produits issus des coupes de bois. Ces conseils ont été dissouts immédiatement après.

Les membres du conseil syndical de Sagy, composé de MM. Barraud Benoit (qui a été désigné président), Boissaud Prosper et Moindrot Claude ont été appelés à répondre par oui ou par non à la question suivante :

« Etes-vous d’avis que le produit de la vente des coupes de bois appartenant en propre à la section de Sagy soit versé à l’avenir dans la caisse communale afin de servir aux besoins généraux de toute la commune ? » : unanimité avec 3 oui.

Les membres du conseil syndical de Colonges, composé de MM. Thurissey Morandat (qui a été désigné président), Létourneau Reby et Chambard Létourneau ont été appelés à répondre par oui ou par non à la question suivante :

« Etes-vous d’avis que le produit de la vente des coupes de bois appartenant en propre à la section de Colonges soit versé à l’avenir dans la caisse communale afin de servir aux besoins généraux de toute la commune ? » : unanimité avec 3 oui.

Dernière survivance de ce régime particulier, les deux sections de forêt cruzilloise sont restées exploitées séparément par les affouagistes de Colonges et de Sagy jusque dans les années soixante, période durant laquelle les besoins en bois de chauffage furent en constante diminution.

A Cruzille, il n’était pas fait de distinction sectionale pour la pâture des bœufs et des vaches dont les propriétaires pouvaient jouir du droit de pâturage dans tous les terrains communaux. Il n’en était pas de même pour les propriétaires de chèvres : obligation pour ceux de Sagy de les mener paître aux lieux-dits “sur la Combe” et “aux Chassagnes”, ceux de Colonges “aux Tronches” et ceux de Fragnes “aux Bruyères” et “Vernebois” ; ceux d’Ouxy n’ayant pas de communaux ne pouvaient les conduire que sur leur propriété. Les moutons étaient interdits de pâture sur les communaux.

Effet probable de cette appartenance alternative à deux paroisses différentes, une parcelle de forêt sise sur notre territoire a été l’objet d’une contestation qui a duré près d’un siècle et a opposé les communes de Cruzille et de Bissy la Mâconnaise à l’occasion de nombreux procès en revendiquant la propriété (relatés dans le bulletin municipal de Cruzille n° 22 de janvier 2008). Le litige portait sur le Bois du Mont, une parcelle de forêt d’environ 4 hectares et demi située au sud-ouest du lieu-dit “la Cabane du Comte” et non limitrophe avec la commune de Bissy la Mâconnaise.

La contestation aurait commencé dès 1762, opposant les habitants de Sagy aux habitants de Charcuble. Au départ de l’affaire, il semble que les habitants de Charcuble aient saisi le tribunal de Mâcon qui avait nommé des experts fonciers, lesquels, alors que « ce bois a toujours été la propriété des habitants de Sagy », l’avaient « par méprise, attribué à ceux de Charcuble ».
Les comptes-rendus du conseil municipal nous permettent de suivre les jugements et appels auprès de la Cour Royale de Dijon et du tribunal civil de Mâcon ainsi que les frais et dédommagements supportés par les habitants de Sagy jusqu’en 1856.

En définitive, cette parcelle restera propriété de Bissy la Mâconnaise ; sur le cadastre, elle est notée “forêt sectionale de Charcuble”. On notera que la commune de Bissy la Mâconnaise possède sur notre territoire une autre petite parcelle de bois de 9 a 60 au lieu-dit “la Roche”.

Toutefois, ce régime particulier ne s’adressant qu’à une fraction de la population d’une commune, constitue une rupture d’égalité, ces biens produisant des richesses qui ne peuvent être utilisées que dans l’intérêt du territoire de la section, alors même qu’ils appartiennent à la commune dans son entier.

Plusieurs fois réformée au cours des trois dernières décennies, la gestion des biens sectionaux est source importante de conflits. Le Sénat a proposé une modernisation des textes : ainsi, le régime des sections de communes a été modifié par une loi promulguée le 27 mai 2013 et publiée au Journal officiel du 28 mai 2013.

La loi concerne le transfert des biens d’une section de communes au profit de la commune.

Le texte prévoit le recensement systématique des sections de communes sous la responsabilité du préfet. Il élargit les cas dans lesquels il peut être procédé au transfert gratuit des biens à la commune par le recours à la procédure simplifiée.

Bibliographie :
“Tout ce qu’il faut savoir sur l’affouage en Bourgogne” par Nicolas Lecœur, responsable commercial bois à l’ONF
Archives de la Côte d’Or citées dans “Monographie de la Seigneurie de Cruzille en Mâconnais” d’Alexandre Dubois

L’alambic


L’alambic et le bouilleur de cru professionnel : des pratiques ancestrales

À Cruzille, comme dans de nombreux autres villages viticoles, depuis des siècles, des bouilleurs de crus professionnels, nommés aussi bouilleurs ambulants distillent pour les habitants. Au 19ème siècle, on trouve une famille Bolley installée au village dont plusieurs seront bouilleurs de métier, l’un d’eux notamment, s’appellait François Bolley. L’alambic est installé le plus souvent sur la place au centre du village. Sur une photo du début du 20ème siècle, il est placé au bourg, sur la place du lavoir ( maintenant place Edgard Ponthus) . Dans la 2ème moitié du 20ème siècle, l’alambic trouve sa place devant les caves des vignes du Maynes, où différents bouilleurs se sont succédés dont MM Auclair (de Chapaize), Michel (de Chavannes/Reyssouse), Billoud (de Reyssouse), et d’autres sans doute.

alambic-chapuis

Depuis le début des années 2000, c’est la famille Chapuis de Mancey qui vient occuper la place avec son alambic ; acheté neuf, à la Foire de Mâcon, en 1923 par le grand-père de Jean Chapuis, à l’époque c’était un très gros achat. Vous avez pu le voir cette année, ou les années précédentes, au début du mois de décembre devant la cave de Julien Guillot (Domaine des vignes du Maynes). Cette machine, est déclarée car , en dehors de ce contexte, il est interdit de l’utiliser. Chaque année, au début de sa période d’inactivité, l’alambic de la famille Chapuis est plombé par le service des douanes, puis déplombé, toujours par les mêmes services, pour sa reprise de fonctionnement, à la fin de l’automne pour environ deux mois. En dehors de cette activité de bouilleur, François Chapuis le fils exploite, à Mancey, un domaine viticole, le « Domaine Chapuis » au sein du groupement de la cave des vignerons de Mancey.

Tout ce qui tient à l’utilisation de l’alambic est extrêmement réglementé et contrôlé par le service des douanes.

Il existe de nombreuses rumeurs disant qu’on ne peut pas distiller parce qu’il n’y a plus de privilèges, elles sont fausses car elles mélangent plusieurs notions.

Le privilège, qui était accordé aux exploitants agricoles et leur permettait de faire distiller gratuitement une partie de leur récolte, ce droit pouvait être transmis à leurs enfants si ils étaient eux-mêmes exploitants, ou à leur successeur éventuellement. Ces privilèges (remontant à Napoléon) ont été supprimés en 1960 mais gardent leur validité jusqu’au décès de la personne .
Le droit de bouillir : si les privilèges n’existent plus vraiment (sauf exploitant encore en vie, ayant perçu des allocations familiales dans les années 60) il existe toujours un droit de bouillir accordé à celui qui est récoltant. La quantité maximum par récoltant amateur est de 10 litres d’alcool pur (20 lt à 50°) pour lesquels il aura une réduction de 50 % sur les droits d’accises (ou taxes). Cet alcool sera réservé uniquement à la consommation personnelle de celui qu’on nomme bouilleur de cru, le distillateur , lui, est le « bouilleur ambulant », en l’occurrence pour le village, actuellement, c’est la maison Chapuis.

Il faut être propriétaire d’un verger ou d’une vigne pour distiller et de toute façon, l’important est de déclarer et de payer les taxes à l’état, et la « façon » au bouilleur de cru professionnel.

Avant de porter sa récolte, le récoltant doit faire une déclaration de distillation sur un document demandé aux douanes ou au distillateur conventionné, sur lequel il mentionnera ce qu’il va porter à l’alambic, en quelle quantité et à quelle heure ? Il y eut une époque où ceux qui amenaient leurs fruits ou moûts à distiller devaient, en plus, fournir le bois qui alimenterait la chaudière. Aujourd’hui la chaudière de l’alambic Chapuis fonctionne, elle, au fuel, pas besoin de bois, donc ! En 1923, à l’origine, c’est au charbon qu’il fallait l’alimenter, mais c ‘était il y a bien longtemps, depuis la chaudière a été transformée.

Dans notre village, la tradition viticole veut qu’on distille le marc de raisin (résidu du raisin après pressurage) pour obtenir du marc de Bourgogne, mais les vignerons peuvent aussi faire distiller les lies de leur récolte, ce qui leur donnera de la fine Bourgogne. Tous les fruits peuvent être distillés, mais ceux qu’on trouve le plus couramment portés à l’alambic, par ici, sont les poires, les prunes, les cerises. Ces fruits ont été apprêtés et mis en tonneau au moment de leur récolte, (voir le mode préparatoire).

alambic-preparer-ses-fruits

Comment l’alambic fonctionne-t-il ?

L’alambic de la maison Chapuis est composé, d’abord d’une grosse chaudière de 600 l remplie d’eau potable , de source qui va être chauffée jusqu’à ébullition (c’est pour cela qu’un alambic est toujours placé proche d’un point d’eau) .

La matière à distiller, elle, a été mise dans les vases en cuivre (au nombre de 3 sur cet alambic ). La vapeur distribuée par la boîte à vapeur est envoyée directement dans les vases au contact des matières à distiller. Après 1h30, on isole un vase pour le recharger. Un rectificateur est chargé de trier les alcools produits en écartant les « mauvais » alcools (grâce aux différences de densité) , notamment ceux chargés de trop d’éthanol. L’alcool produit est mesuré et pris seulement lorsqu’il atteint 45° (sachant qu’on va chercher à obtenir 50°).

alambic-en-fonctionnement

À Cruzille, Julien Guillot , chaque année fait distiller son marc et ses vins troubles (ou lies )assurant ainsi environ la production de 3 pièces d’alcool par an (une pièce en Bourgogne = 228 l) . Il ne va payer, dans un premier temps que la façon au bouilleur, car il réglera plus tard à l’état, les taxes sur la vente de ses bouteilles. Les alcools qu’il produit sont, en AOC depuis peu , (Appellation d’Origine Contrôlée, c’est une jeune appellation pour les alcools) Marc de Bourgogne, ou Fine de Bourgogne Clos des vignes du Maynes .

Ces 3 pièces de marc et de fine, en fûts de chêne, vont être élevées en cave pendant 10 à 20 ans, et, ce faisant elles vont perdre en évaporation environ 1/4 à 1/3 de leur contenu pendant ce temps : C’est ce qu’ on appelle « la part des anges », cette partie qui disparaît. Dans certaines caves , on procède à l’ouillage ( maintien du niveau maximal de remplissage des tonneaux, par remplissage ) des tonneaux d’alcool, mais Julien préfère ne pas y recourir, il trouve que la qualité de ses alcools est meilleure. . . Enfin quand Marcs et Fines sont considérés comme prêts (agréables au palais, peu agressifs, parfumés, harmonieux) il sont mis en bouteilles, que l’on bouche , puis elle vont être cachetées à la cire pour être enfin stockées debout en cave, afin que l’alcool n’attaque pas les bouchons . On voit que le chemin est très long pour arriver à une bouteille de marc de Cruzille ! Le rendement du marc ou des lies est variable selon leur degré alcool de départ.

La maison Chapuis vient donc depuis près de 15 ans faire fonctionner son alambic au village . Jeune homme souriant, débonnaire, le fils Chapuis, remarque que l’an dernier il n’y avait pas eu beaucoup de fruits à distiller, c’était une petite année fruitière. On sent qu’il se plaît dans cette pratique ancestrale. L’alambic passe en général, chaque année, 8 à 10 jours sur notre commune et il y a encore de nombreux clients. La famille Chapuis souhaite pouvoir faire perdurer cet étonnant métier le plus longtemps possible, alors n’hésitez à apporter vos fruits et pour cela pensez à les préparer.

L’AOC MACON-CRUZILLE

Historique du regroupement de communes de l’AOC MACON-CRUZILLE

Jusqu’à la fin des années 1990, 56 villages pouvaient revendiquer l’appellation « Mâcon » suivi du nom de leur commune. Un grand nombre d’entre elles n’étant pas utilisées, l’INAO a été à l’origine d’une réflexion sur la possibilité de faire des regroupements.

Les motivations qui ont amené à ce travail :

  • Obtenir une meilleure lisibilité pour le consommateur.
  • Améliorer la communication.
  • Avoir des surfaces suffisantes pour créer à l’avenir des AOC communales qui nécessitent des délimitations plus restrictives.

Les principaux critères définis pour la fusion de noms :

  • La composition des sols et sous-sols,
  • L’historique viticole des villages,
  • La proximité des villages entre eux .

Des viticulteurs ayant déjà fait connaitre l’AOC « Mâcon-Cruzille », d’autres ayant la volonté de l’utiliser, la majorité a refusé la proposition d’un regroupement avec « Lugny ». Par la suite, un accord a été trouvé : regrouper Grevilly sous le nom « Macon-Cruzille », et laisser une petite partie de Cruzille jouxtant la commune de Lugny se joindre à cette dernière.

Martailly les Brancion souhaitait se rapprocher de Lugny. Le critère de proximité des communes n’étant pas respecté, cela leur a été refusé. Dès lors, il leur restait la solution de rejoindre le projet « Macon-Cruzille ».

Depuis le début des années 2000, l’AOC « Macon-Cruzille » peut être revendiquée sur les communes de Cruzille, Grevilly, Martailly les Brancion.

A la suite de l’officialisation de la nouvelle délimitation, la Cave de Lugny proposa à la vente, une cuvée « Macon-Cruzille » qui étoffa l’offre déjà existante des caves particulières de la commune.

A l’heure actuelle, en prenant en compte le volume commercialisé, il semble prématuré de demander une AOC communale comme le fait actuellement l’AOC « Macon-Lugny ».

Néanmoins, ce sujet sera peut-être un dossier à traiter prochainement.

Bocages

Bocages

En observant cette vue aérienne de Cruzille, de sa mairie, de son château, au milieu du XXe siècle, on peut noter quelques différences, mais également des similitudes avec le paysage que l’on peut contempler actuellement.

cruzille-vue-aerienne

En ce qui concerne les différences, et cela est presque un jeu pour l’observateur, chacun pourra noter que quelques pavillons ont été construits depuis : le long de la route départementale, de la route de Fragnes, de la salle communale… D’autres bâtiments ont été détruits (ancienne cure, près de l’église). D’autres encore étaient provisoires (tentes en contrebas du château). Le paysage s’est également boisé et les arbres ont poussé, dans la combe de Cruzille, sur le coteau ouest, depuis l’ancienne carrière de pierre et le long de la route. Les sentiers ne sont plus visibles depuis le coteau opposé.

Mais le village a conservé la même physionomie : vignes et prairies occupent les mêmes secteurs. Autour d’un habitat groupé, (l’habitat ancien est encore très nettement identifiable) les jardins potagers sont toujours bien présents de nos jours, même si certains se sont déplacés ou ont disparu (à la place de l’actuel parking du club par exemple). Les arbres d’ornement et les fruitiers sont toujours bien représentés (le noyer notamment), des éléments du paysage que ses habitants continuent d’apprécier et d’entretenir.

Mais l’on peut surtout noter que le bocage s’est presque développé, même s’il a changé de forme. Les limites de parcelles sont en effet bien lisibles sur la vue ancienne, bien que l’on ne puisse pas toujours distinguer qu’il s’agisse de murets de pierre sèche. Ce réseau de murets et de murgers (importants amoncellements de pierres entre deux murets et en limite de parcelles pour en faciliter l’exploitation) est toujours bien présent, on l’appelle bocage lithique (« de pierre ») et il avait atteint son paroxysme au milieu du XIXe siècle dans le Mâconnais avant la crise du phylloxera et le début de l’exode rural. Il est actuellement gagné par la végétation (buis, érables champêtres…). Les haies basses et taillées, le long des routes en particulier, sont également toujours bien présentes (la parcelle en triangle en montant à Grevilly n’a pas changé) et l’on peut d’ailleurs en profiter ici pour remercier ceux qui les entretiennent tous les ans (cantonnier et exploitants). Ce qui a évolué, c’est que les haies ont poussé, comme sur le coteau par exemple, et une troisième forme de bocage, comparable à celui que l’on trouve dans l’ouest de la Saône-et-Loire, dans le Charolais et le Brionnais s’est développé : la haie d’arbres de plein jet (non taillés). Ceci nous donne donc, au final, sur Cruzille, de nos jours, un très bel exemple de bocage de haies mixtes ; sans compter que chacun a pu également planter sur son terrain, pour son agrément ou préserver son intimité, de nombreux exemples de haie libres.

Lorsque vous voyagez selon l’axe nord sud, cette impression est atténuée par le fait que l’on suit la combe viticole qui s’est mécanisée (circulation des enjambeurs en bout de rangs) le paysage demeure très ouvert. Mais si vous randonnez d’est en ouest en suivant les chemins de notre commune, vous notez bien cette permanence et la diversité de notre bocage (très nombreuses essences d’arbres, à redécouvrir par exemple en parcourant le sentier de la Boucherette). A nous, à présent, d’entretenir ce bocage, de le tailler, le contenir, et de ne pas, non plus, laisser le paysage se refermer, pour conserver à notre village son appréciable caractère bucolique.

Cédric Crémona

Cruzille : village rural et agricole

Cruzille : village rural et agricole …

Nous connaissons tous des agriculteurs et des viticulteurs, nous voyons tous passer des tracteurs, des enjambeurs, des machines à vendanger qui parfois nous gênent dans la circulation, ou salissent nos routes, nous voyons tous évoluer le paysage au fil des saisons, des labours, des semis, des vendanges et des récoltes. Paysages sans cesse travaillés, façonnés par les agriculteurs.
L’agriculture est certainement l’activité économique la plus importante de Cruzille puisqu’elle permet à plus d’une vingtaine de personnes du village (agriculteurs, viticulteurs et conjointes) de vivre et travailler à plein temps sur la commune. Ces personnes travaillent sur 15 exploitations dites «professionnelles», où le revenu provient principalement de l’activité agricole.

Sur une superficie communale de près de 1 111hectares, seuls 278 ha sont utilisés par l’agriculture. Ce qui signifie que près de 822 ha, soit plus de 70% de la surface totale, sont utilisés pour autre chose : bois, taillis, friches, routes et chemins, habitat et terrains utilisés pour l’agriculture de loisirs.

Comme l’indique le tableau ci-dessous, la superficie de la répartition des terres a variée au cours des siècles.

* pastis en ancien français est devenu pâtis, du verbe pascere qui signifie « paître ».

Selon les archives, il y avait 432 hectares de vignes avant 1880.
Force est de constater que 2/3 de vignes ont disparu à cause de la crise du phylloxéra de 1876 et que la superficie des vignes, elle, continue de décroître doucement depuis un demi siècle.

Si nous savons regarder, cette alternance de vignes, de champs, de haies, de taillis, reste très présente malgré tout, caractéristique du bocage bourguignon.
Et il est bien agréable de se promener à pied sur les chemins de randonnées de la commune.

L’agriculture est donc bien présente chez nous et plutôt dans le domaine viticole. Elle contribue à la vie de notre village, en maintenant sur place une activité et permettant ainsi à certains de «vivre et travailler au pays». Si sa première fonction est bien de nourrir les hommes, indirectement elle entretient aussi notre cadre de vie, elle est essentielle à la vie de notre commune, et c’est pour cela qu’il est de notre intérêt à tous de la préserver au mieux.

La flavescence dorée

La flavescence dorée

La flavescence dorée (FD), maladie de quarantaine, est une jaunisse de la vigne particulièrement contagieuse et incurable. Elle est causée par un phytoplasme : micro-organisme qui circule dans la sève. La maladie se caractérise par une décoloration des feuilles et un non aoûtement des bois. Présente dans la plupart des régions viticoles du sud de l’Europe, elle occasionne de fortes pertes de récolte et peut compromettre la pérennité des vignobles.

Elle est transmise par un insecte vecteur : la cicadelle (de la même famille que la cigale) . Cet insecte présente une génération par an, il acquiert le phytoplasme de la flavescence dorée lors de la prise alimentaire (piqûre) sur un pied infecté, puis après une période de latence d’un mois, le transmet à d’autres pieds de la même façon. La majorité des symptômes s’extériorisent 1 an après la contamination du pied par une cicadelle de la flavescence dorée . Si la contamination vient du matériel végétal, l’extériorisation est souvent plus longue.

La transmission de la FD peut également se faire par l’introduction de plants contaminés dans un vignoble indemne.

 Cette maladie a un caractère hautement épidémique:

  • L’insecte vecteur vit et se nourrit sur la vigne uniquement.
  • Les larves et adultes peuvent être infectieux pendant environ deux mois.
  • L’insecte se déplace facilement de cep en cep, les larves en sautant et les adultes en volant.

cicadelles

Historiquement, la cicadelle de la FD a été introduite en Europe dans les années 60 (observation sud-ouest et sud-est (France), nord-est (Italie)). Un demi-siècle plus tard, la quasi-totalité du vignoble européen a été colonisée par cet insecte. Pourquoi son expansion a-t-elle été si rapide ? Une analyse génétique des populations cicadelles (endroit origine) a mis en évidence leur origine (la plus probable) dans les zones viticoles de Long Island où l’espèce Vitis aestivalis est majoritairement cultivée. Leur introduction en Europe semble s’être produite à plusieurs reprises lors du 19ème siècle avec les grandes importations des vignes américaines provenant de la même région viticole (Amérique du nord) .

Les œufs sont pondus dans l’écorce des bois de vigne de deux ans ou plus. L’éclosion des œufs intervient de manière échelonnée sur plusieurs mois, les premières larves apparaissent au mois de mai. Il s’ensuit 5 stades larvaires aptères identifiables par leurs deux points noirs au bout de l’abdomen . Les premiers adultes apparaissent au mois de juillet et pondent de juillet à octobre

Les cicadelles sont des insectes piqueurs-suceurs. C’est au cours du prélèvement de sève sur une plante contaminée par les phytoplasmes que les cicadelles acquièrent les phytoplasmes. Après cette prise alimentaire contaminante, la cicadelle n’est pas immédiatement virulente. Les phytoplasmes, après ingestion, effectuent un cycle à l’intérieur de l’insecte qui les fait passer du tube digestif à la cavité générale avant d’envahir les glandes salivaires d’où il sera ré-injecté avec la salive à l’occasion d’un autre prélèvement de sève. La période de latence entre l’entrée du phytoplasme et la réinjection dans un pied de vigne est d’environ 30 jours.

En 2013, environ la moitié du vignoble français (400 000 ha) est située en périmètre de lutte obligatoire contre la FD et son insecte vecteur. Une nouvelle réglementation est mise en place depuis le 19 décembre 2013. En effet, auparavant, l’arrêté du 31 juillet 2009 définissait la FD en lutte obligatoire, sous conditions d’arrêté préfectoral.

Aujourd’hui, le nouvel arrêté renforce la surveillance et la lutte basée sur l’arrachage des ceps malades, les souches contaminées doivent être arrachées au plus tard le 31 mars de l’année suivant la découverte des symptômes. De plus, cet arrêté renforce la lutte contre le vecteur et le traitement à l’eau chaude des plants ou des boutures. Remarque : la contamination du matériel végétal est excessivement rare, par contre si elle a lieu, elle a des répercussions très graves.

Entre 2004 et 2009, quatre petits foyers (1 à 6 souches atteintes) ont été décelés dans de jeunes plantations de Côte d’Or et Saône et Loire.

En octobre 2011, un foyer important a été découvert dans le nord Mâconnais (3 communes contaminées soit 0,56 ha à arracher). Un périmètre de lutte comprenant 19 communes pour 1 500 ha de vigne a alors été défini par arrêté préfectoral (3 traitements insecticides). A l’automne 2012, une explosion attendue de la maladie a été constatée au sein du périmètre de lutte ; 11,3 ha de vignes ont été arrachés. En outre, des pieds atteints isolés ont été découverts dans le sud du département de Saône et Loire et le nord (Chalonnais). Un dispositif régional de lutte a donc été élaboré (DRAAF Bourgogne avec la FREDON). Des mesures de lutte graduées ont été définies par arrêtés préfectoraux. Outre les mesures habituelles (prospection, arrachage et lutte contre le vecteur), l’utilisation de plants sains traités à l’eau chaude a également été rendue obligatoire.

Au niveau de la lutte contre le vecteur, 3 traitements ont été imposés en Saône et Loire contre 1 seul en Côte d’Or. La FREDON et les organismes professionnels ont prospecté le vignoble à l’automne en sensibilisant près de 3000 viticulteurs. Il semble que la maladie soit contenue dans le foyer initial (0,11 ha à arracher), mais qu’elle poursuive son extension géographique (jusqu’au sud Saône et Loire, sud du Côte d’Or, voire la région chalonnaise).

La flavescence à CRUZILLE 

Comme beaucoup de communes du département, CRUZILLE n’est pas épargné.

La découverte d’un foyer important sur la commune de PLOTTES en 2011 et une explosion de la maladie dans le même secteur l’année suivante ( 11 ha de vigne arrachés ) a contraint le préfet à prendre un arrêté nous obligeant à réaliser des traitements insecticides pour stopper la progression de la maladie .

effets-flavescence

Malgré la contestation d’une partie de la profession, tous les viticulteurs ont dû réaliser trois traitements insecticides en raison du fait qu’il n’existe, aujourd’hui, aucune solution alternative.

Dès 2012, notre commune s’est retrouvée dans le périmètre de lutte obligatoire.

En parallèle au traitement, une surveillance du territoire sur chaque commune a été mise en place avec la pose de pièges qui permettent de suivre l’évolution de la population de cicadelles ainsi qu’une prospection du vignoble après les vendanges.

La prospection est une étape importante, elle permet de localiser les pieds présentant des symptômes de jaunisse.

Cette année, à CRUZILLE, la mobilisation pour cette prospection a été très importante, toutes les exploitations étaient présentes ou représentées. Ce n’est pas moins de 15 personnes qui se sont investies dans la bonne humeur.

Les 150 hectares de la commune ont été contrôlés, rang par rang, durant deux jours consécutifs.

Tous les ceps douteux ont été marqués et repérés sur une carte qui a été envoyée à la FREDON .

Plusieurs centaines de pieds présentaient des symptômes et environ 50 prélèvements répartis sur la commune ont été analysés dont 5 se sont révélés porteurs de la maladie.

La maladie est donc bien installée sur notre commune, les pieds marqués doivent être arrachés avant le 31 Mars 2015 afin d’éviter sa propagation.

Les viticulteurs ont pris conscience que ce fléau pourrait détruire le vignoble.

La lutte contre le vecteur sera longue. Des aménagements seront faits en prenant en compte la présence de pieds atteints et les niveaux de populations de cicadelles de la flavescence dorée. La situation à CRUZILLE n’étant pas catastrophique, le préfet nous a autorisés à ne réaliser que deux traitements insecticides en 2014.

L’objectif est de cesser ceux-ci dès que possible, mais en attendant , chacun doit bien respecter le protocole.