Ces animaux dits à « sang froid »

par Sandrine Dutartre

Nous avons tous un jour été surpris au détour d’une randonnée ou simplement dans notre jardin par un serpent qui se faufile furtivement devant nous ou plus nonchalamment par un crapaud qui reste là immobile tapi dans les feuilles ou dans un tas de pierre.

Les reptiles et amphibiens sont des animaux bien particuliers aux caractéristiques étonnantes. Ce sont notamment des animaux à sang froid, c’est-à-dire que leur corps ne peut pas produire de chaleur et leur température corporelle varie avec la température externe. Ils peuvent cependant influencer leur température en restant dans un endroit chaud ou froid.

Souvent victimes de leur mauvaise réputation, bien injustifiée, les reptiles et amphibiens inspirent généralement la crainte et la répugnance. Ce sont pourtant des êtres fragiles, eux-mêmes craintifs, pour la plupart d’entre eux totalement inoffensifs, et qui ont leur rôle à jouer dans l’équilibre écologique des milieux. Ils témoignent notamment de la qualité de l’environnement. Ils sont présents dans la plupart des habitats naturels. Les amphibiens et certains reptiles ont besoin de zones aquatiques tandis que d’autres vont rechercher l’aridité et la chaleur des landes et pelouses sèches.

Nous pouvons donc les rencontrer dans les différents milieux naturels de notre commune : les vignes, les pelouses sèches, les bords de l’Ail, dans la serve place du lavoir etc…

Peuplant la terre depuis quelques 350 millions d’années, ils sont cependant aujourd’hui menacés de disparition et ainsi protégés à l’échelle nationale, voire européenne pour certains d’entre eux.

Alors, passons outre nos peurs ancestrales infondées et prenons le temps de les observer !

Les reptiles

Les reptiles représentent une vaste famille allant des serpents aux crocodiles en passant par les tortues. Nous ne traiterons ici bien sûr que des espèces que nous pouvons rencontrer sur notre commune, à savoir les serpents (couleuvres, vipères, orvets) et les lézards (lézard commun et lézard vert).

Caractéristiques étonnantes des serpents :

  • Un corps recouvert d’écailles sèches (ils ne sont donc pas gluants),
  • Une absence de pattes (leur mode de déplacement est la reptation c’est-à-dire un appui sur les écailles ventrales),
  • Une absence de paupières (une écaille transparente comme une lunette protège leurs yeux),
  • Une grande mobilité des os de la tête pour leur permettre d’ingérer des proies très volumineuses,
  • Ils sont presque totalement sourds. Par contre, ils ressentent très bien les vibrations du sol et leur langue leur permet de détecter les odeurs (grâce notamment à l’organe de Jacobson),
  • Leur sang est froid (leur température varie avec le milieu),
  • Ils muent régulièrement c’est-à-dire qu’ils changent de peau 2 à 3 fois par an pour grandir,
  • Ils hibernent. Pendant une période de 5 à 6 mois (période hivernale), les serpents cessent toute activité et se cachent dans un trou sous la terre, dans une souche, sous le fumier ou sous un tas de feuilles. Durant cette trêve hivernale, les couleuvres, vipères et lézards peuvent hiberner ensemble dans le même refuge. L’hibernation est obligatoire car les serpents ne pourraient pas survivre au froid,
  • Ils sont capables de jeûner très longtemps (plusieurs mois). Leurs besoins énergétiques sont en effet très faibles (20 fois inférieurs à ceux d’un mammifère) du fait qu’ils sont à sang froid (pas d’énergie à dépenser pour conserver une chaleur interne) et que leurs mouvements sont limités.
  • Ils pondent des œufs après l’accouplement au printemps. La couleuvre est ovipare (elle pond des œufs qu’elle abandonne dans le milieu naturel) tandis que la vipère est ovovivipare (les œufs sont conservés et protégés à l’intérieur du corps et éclosent au moment de la mise bas).

Couleuvre ou vipère ?

Les couleuvres, des serpents non venimeux

La couleuvre craint l’homme et le fuit. Lorsqu’ on l’attrape, elle ne se sert que très rarement de ses dents qui sont très courtes, et sa mâchoire s’ouvre assez peu. Elle souffle lorsqu’elle se sent menacée. Pour sa défense, elle a développé plusieurs stratégies : lorsqu’elle est saisie, elle émet des excréments imprégnés d’une odeur nauséabonde, Il faut se laver les mains plusieurs fois pour diminuer ce délicieux parfum ! Il lui arrive aussi de “jouer à la morte” : elle se tord, se met sur le dos, entrouvre la gueule et laisse pendre la langue, tout en restant immobile. Au bout d’un moment, s’il ne s’est rien passé, elle se remet promptement sur le ventre et, profitant de l’effet de surprise, fuit sans demander son reste.

Animal diurne, elle passe le plus clair de son temps à se réchauffer au soleil ou à la recherche de ses proies favorites : amphibiens, grenouilles, tritons, crapauds, poissons, lézards et petits rongeurs. Les jeunes mangent aussi des insectes. N’ayant aucun moyen de tuer ses proies, qu’elle repère aux mouvements, elle les saisit par n’importe quel endroit du corps et les déglutit vivantes. Elle les digère ensuite grâce à de très puissants sucs digestifs. Comme tous les serpents, la couleuvre est dépourvue d’articulations mandibulaires ce qui lui permet d’avaler des proies beaucoup plus volumineuses que la taille de sa tête.

Toutes les couleuvres sont protégées. Il est ainsi interdit de capturer ou de détruire les individus ainsi que les œufs.

Couleuvre verte et jaune

Nous pouvons trouver cette belle couleuvre dans les endroits secs, ensoleillés, broussailleux et rocheux de notre commune.

Couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus). Photographiée à Fragnes dans mon jardin..(Joël Héras)

Longue de 80 cm et 2 m, elle présente des couleurs variant du noir au vert foncé ponctué de taches jaunes.

Si elle se sent inquiétée, elle peut se dresser et tenter de mordre son « agresseur » mais sa morsure est inoffensive.  

Elle grimpe volontiers dans les arbres et buissons et peut fréquenter occasionnellement les milieux humides

Couleuvre à collier

Mesurant entre 1m (pour les mâles) à 1m60 (pour les femelles), la couleuvre à collier se distingue facilement par son anneau jaune-blanc autour de sa tête. Très marqué au plus jeune âge, cet anneau s’efface avec le  temps. Le reste du corps présente des nuances de gris avec des taches noires sur le dos.

Cette couleuvre, très fréquente, est présente partout en France. Elle aime vivre à proximité de l’eau. Elle est capable de nager voir de plonger (elle peut rester 15 mn sous l’eau). Les jeunes couleuvres fréquentent les mares, étangs, rivières et lacs, à la recherche de nourriture. On peut en voir nager dans la serve sur la place du lavoir.

Elle chasse le jour, souvent dans l’eau. Aux heures de grandes chaleurs, elle peut se reposer pour se réchauffer au soleil ou attendre calmement dans l’eau fraîche.

Couleuvre d’esculape

Très élégante, notamment par son aspect luisant, cette couleuvre présente une couleur brun-vert olivâtre.  Elle mesure en moyenne 1m50 de long.

Couleuvre d’esculape (Elaphe longissima). Photographiée à Fragnes dans mon jardin. (Joël Héras )

On la rencontre dans les bosquets, les prairies, les milieux arides ensoleillés, les murs en ruine, les coteaux rocheux…

C’est un serpent au comportement arboricole. Elle est très agile pour grimper dans les arbres voir sur les charpentes et les murs.

Pour tuer de grosses proies, elle utilise la constriction c’est-à-dire qu’elle les étouffe en les serrant avec ses anneaux.

Les vipères : la vipère aspic

À la différence des couleuvres, la vipère aspic utilise son venin pour tuer ses proies mais aussi pour se défendre d’où des morsures pouvant être mortelles. Cependant, les décès suite à une piqûre de vipère restent rares (en moyenne 1 cas par an en France c’est-à-dire bien moins que les piqûres de guêpes, frelons ou abeilles qui comptent 50 décès par an).

À ne pas confondre avec la couleuvre vipérine totalement inoffensive à laquelle elle ressemble beaucoup (sauf qu’elle a les pupilles rondes).

La vipère est protégée par les conventions internationales ainsi que par la législation française.

L’orvet, un « serpent » qui n’en est pas un !

En dépit de son apparence, l’orvet n’est pas un serpent mais un lézard qui a perdu ses pattes (en raison de son mode de vie fouisseur).

Orvet (Anguis fragilis) . Photographié à Fragnes dans mon jardin.(Joël Héras)

Cette espèce, souvent victime de l’Homme qui le confond avec un serpent, est pourtant totalement inoffensive et par ailleurs bien utile aux jardiniers (elle se nourrit de limaces, de cloportes, de vers et de petits escargots).

Il ne dépasse pas les 50 cm de long et possède le pouvoir d’autonomie comme les lézards, à savoir qu’il peut se défaire de sa queue pour leurrer un éventuel prédateur. Enfin, à la différence des serpents, ses paupières sont mobiles.

Les lézards : le lézard vert

Les lézards sont des reptiles qui, à la différence des serpents, disposent de 4 pattes et d’oreilles à tympan.

Ce très beau lézard peut s’observer sur nos murgers ou nos pierriers à condition d’être discret.

Lézard vert (Lacerta viridis). Photographié à Fragnes dans mon jardin.(Joël Héras)

Il présente des couleurs vertes, bleues, jaunes magnifiques (notamment pour le mâle). Il mesure en moyenne 25 à 30 cm et sa queue est deux fois plus longue que son corps.

Son régime alimentaire est composé d’insectes, de coléoptères, des oeufs d’oiseaux, d’autres petits lézards, de larves, d’araignées et de lombrics, voir des fruits.

Les lézards verts hibernent d’octobre à avril, s’accouplent en mai et pondent des œufs qui incubent pendant 2 à 3 mois.

Les amphibiens

Les amphibiens sont une classe de vertébrés dans laquelle on retrouve les grenouilles, les crapauds, les tritons, les salamandres. Ils présentent des caractéristiques bien spécifiques : ce sont des animaux à sang-froid dont la peau joue un rôle essentiel. Couverte de glandes, ces dernières produisent des sécrétions (toxines) empêchant les bactéries et les champignons de pousser sur la peau ou permettant de repousser les prédateurs. Cette peau leur permet une autre forme de respiration que celle de leurs poumons et par ailleurs d’absorber de l’eau car les amphibiens ne boivent pas.

Crapaud commun

Crapaud sonneur à ventre jaune (attention espèce en danger ! )

Ce tout petit crapaud (3,5 à 5 cm de longueur) est une espèce protégée emblématique du site Natura 2000 Grosne-Clunisois dont le secteur de Fragnes fait partie.

Crapaud commun (Bufo bufo). Photographié à Fragnes.(Joël Héras)

Nous pouvons le rencontrer dans la forêt et notamment dans les mares, ornières ou flaques d’eau durant la période de reproduction soit d’avril à mai.

Pour le voir, il faut avoir l’œil. En plus de sa petite taille, il présente une face dorsale gris-marron plutôt terne ressemblant à de la terre glaise ce qui lui assure un camouflage parfait au sein de son habitat. Cependant, on peut le reconnaître facilement grâce à sa face ventrale jaune et noire caractéristique. Cette coloration qui contraste nettement avec son dos est un stratagème de défense. En effet, quand il est dérangé ou agressé par un éventuel prédateur, le petit crapaud se retourne sur le dos et dévoile ainsi ses couleurs afin d’effrayer son agresseur. Si cela ne suffit pas, il peut libérer un liquide visqueux qui est un poison irritant pour les yeux et qui dégage une odeur repoussante. Il est également reconnaissable à la pupille de son œil en forme de cœur.

Il se nourrit d’insectes, de vers, de petits crustacés et mollusques. Il hiberne d’octobre à avril. Au printemps, il se reproduit et ponds ses œufs dans différentes mares.

Le sonneur à ventre jaune est une espèce protégée. Il fait partie des sept espèces d’amphibiens menacées de disparition en France (catégorie “espèce vulnérable” sur le territoire métropolitain).

Sonneur à ventre jaune (Bombina variegata) Discoglossidae (Joêl Héras France 71 le 17/07/2005)

Les causes principales de sa disparition sont liées à la destruction de ses habitats par assèchement des zones humides, canalisation des rivières, mécanisation de l’agriculture, artificialisation des sols, suppression des friches et de la végétation en bordure des champs…

Tritons palmés, crêtés et alpestre

Facilement observables au printemps dans les lavoirs (ceux de la commune), les mares ou tous points d’eau où ils se reproduisent, les tritons sont de magnifiques petits êtres à découvrir et faciles à observer (en fin de journée ou le soir avec une lampe torche dès le mois de mars).

Le triton palmé est le plus petit des tritons (6 à 7 cm de long). De couleur plutôt brune avec les flancs tachetés de noir, le mâle se reconnait bien en période nuptiale, grâce à ses pattes postérieures palmées.

Triton palmé (Triturus helveticus) Salamandridae.  Couple, parade nuptiale. (Joël Héras France 71 le 15/04/2014)

Faisant penser à un animal exotique, le triton alpestre mâle, en période de reproduction, est une splendeur pour les yeux avec son dos bleu, sa crête tachetée noire et blanche et surtout son ventre orange vif. La femelle, de plus grande taille (environ 10 cm), présente une coloration bien plus discrète.

Triton alpestre (Triturus alpestris) Salamandridae Mâle nuptial (Joël Héras France 71 le 13/04/2014)

Enfin, le triton crêté, plus grand que les deux précédents (entre 12 à 18 cm), porte bien son nom. En effet, à la saison des amours, le mâle se pare, sur le dos et la queue, d’une crête impressionnante, très découpée, qui lui confère l’allure d’un petit dragon renforcée par sa couleur noire à brun foncé.

Pour accueillir des tritons dans votre jardin, rien de plus simple. Il suffit de créer une petite zone d’eau (vieille bassine ou vieille baignoire enterrée feront l’affaire), partiellement ombragée, peu profonde (maxi 1m) avec de la végétation (pour que madame triton puisse déposer ses œufs) et dépourvue de poissons. Une rampe d’accès sera nécessaire pour sortir de la zone aquatique (morceau de bois, …).

Pour se reposer la journée à l’abri des prédateurs, vous pouvez installer à proximité du point d’eau un tas de pierres, des souches, des feuilles mortes ou du paillis.

Enfin, les tritons étant très sensibles à la pollution de leur habitat, bannissez les pesticides et insecticides de votre jardin et découvrez ainsi une nouvelle façon de lutter contre les indésirables.

Salamandre tachetée

La salamandre tachetée est très facilement reconnaissable. Elle se distingue notamment par ses couleurs jaunes et noires caractéristiques. Elle mesure entre 15 et 20 cm et présente une peau luisante.

Salamandre tachetée (Salamandra salamandra). Photographiée à Fragnes.(Joël Héras)

Ovovivipare, elle pond des œufs qui restent dans le corps de la femelle et éclosent au moment de la mise bas.

De mœurs nocturnes et terrestres (sauf pour la ponte qui est réalisée dans le milieu aquatique peu profond), elle aime sortir par temps humide. On peut souvent l’observer, en période de reproduction, traversant les routes mais elle en fait aussi, malheureusement, très souvent les frais. La journée, elle se cache dans des refuges tels qu’une souche, un tas de pierre… Sa longévité est estimée à 20-25 ans. Les adultes sont protégés par leur venin et ne connaissent pas vraiment de prédateurs sérieux.

La salamandre est protégée dans la plupart des pays d’Europe. En France, elle est classée dans la liste rouge des espèces menacées du fait de la réduction de ses populations et de la disparition de ses habitats.