Sainte Geneviève

LA ROCHE DE SAINTE GENEVIÈVE A CRUZILLE

Cet article de Maurice POTIER est paru dans le bulletin municipal de Cruzille édité en 1999.

Dès la fin du second siècle, remontant la vallée du Rhône, l’importance des facteurs religieux apparaît dans l’histoire du pays mâconnais.

De nombreux sites naturels, lieux de culte païen changent ainsi de “titulaires” mais les pratiques restent les mêmes, fondées sur les ancestrales croyances aux génies et divinités des bois, des monts et des sources, ainsi à Jalogny la fontaine Saint Nizier, à Cluny la fontaine des Croix, à Monsols le mont et la fontaine Saint Rigaud, à Blanot le mont Saint Romain, à Placé la fontaine Sainte Reine.

A Mâcon, la première cathédrale est dédiée aux Saints Gervais et Protais, elle s’élève près de la Saône et du port, là où abordent les nautes de la rivière, et où sans doute, elle succéda à un temple païen dédié à Mercure. (1)

Et puis, ce 07 Mai 1998. dans le PROGRES, cet article amusant “IN WEBO VERITAS” (on la disait ailleurs, pourtant…) où on nous apprend que l’église catholique vient de décider de se doter d’un site sur le réseau internet : “un web”. Rien n’est plus naturel, on ne voit pas en effet pourquoi l’église catholique bouderait cette nouveauté qu’est le “web”, elle qui a su se marier avec son temps et qui a su réaménager avec bonheur les rites, les sanctuaires des Gaulois, des Germains, des Angles et des Saxons. (7)

Alors, pourquoi pas Geneviève à Cruzille ? En 1589. au pied d’une pierre, le rocher dit de Sainte Geneviève, la Sainte aurait sauvé Monsieur de Tavannes. poursuivi par les Huguenots. Qui étaient donc ces héros de légende ?

ELLE : Geneviève, vierge, Sainte, chrétienne, patronne de Paris (Nanterre vers 422-Paris 502). Ses prières auraient détourné de Lutèce les armées d’Attila en 451.

Enterrée sur la montagne Sainte Geneviève (l’actuel Panthéon) ses reliques passèrent, pour capables d’éloigner les désastres (Fête le 03 Janvier).

A ne pas confondre (comme c’est souvent le cas) avec Geneviève de Brabant, légende populaire du Moyen Age dont la première transcription fut donnée par Jacques de Voragne. dans sa légende dorée (Xlle).

Cette légende inspira de nombreux écrivains et musiciens dont Haydn, Schumann et Offenbach (2).

LUI : De Tavannes était le chef supérieur des forces catholiques de Bourgogne, donc de la ligue pendant la guerre dite “de religion”. Il devint Maréchal de France et gouverneur de Bourgogne. Enfant, il fut élevé page de François 1er.

Le 15 mars 1569 il fut vainqueur de la célèbre bataille de Jarnac (ville non moins célèbre d’ailleurs…).

Le 24 Août 1572, jour de la Saint Barthélémy, il courait dans les rues, criant : “Saignez, saignez, la saignée est aussi bonne au mois d’Août qu’au mois de Mai.”

Son fils qui a écrit ses mémoires, rapporte que son père étant au lit de la mort, fit une confession générales de sa vie et que le confesseur lui ayant dit d’un air étonné : “Quoi, vous ne parlez pas de la Saint Barthélémy ?” “Je la regarde, répondit le Maréchal, comme une action méritoire qui dort effacer mes autres péchés.”

Il faut ici, faire intervenir un autre personnage : Georges Epimondas de Beauffremont, Seigneur de Cruzilles, sans lequel cette roche serait certainement restée ce qu’elle était alors : un lieu de croyances obscures. (les peuples anciens associaient les points hauts et la croisée des chemins à leurs croyances.)

De Beauffremont obtint du roi. en récompense de ses services, l’érection de sa terre de Cruzilles en comté et prit dès lors le nom de Comte de Cruzilles en 1581.

En 1583. il fut évincé du gouvernement de la citadelle de Mâcon. En 1584, après la mort du duc d’Anjou, à l’arrivée de Navarre (futur Henri IV) le parti de ligue catholique gagna les masses populaires et devint tout puissant. Le pouvoir royal n’était plus obéi, et c’est pourtant le parti du roi qui choisit le comte, plus que celui des Huguenots.

Le comte entretient alors une troupe d’une cinquantaine d’hommes d’armes et leur suite, dont on dit qu’ils sont sans solde, recrutés d’étrangers, de gens sans aveu, impitoyables aux bourgeois et aux paysans. Ces soldats, dit-on, vont ça et là, prennent les poules, tuent icelles à coups d’arquebuse et contraignent tant les paysans qu’ils sont obligés de s’en aller en Bresse. Si la ligue n’avait pour subsister que sa part dans les courses, les exactions et les contributions imposées à la ville et aux villages voisins, le comte de Cruzilles n’avait pas, lui non plus, d’autres moyens pour entretenir sa troupe.

Dans cette lutte contre la ligue, les Huguenots se joignent au comte de Cruzilles après l’assassinat de Henri III par le moine Jacques Clément en 1589 et viennent camper à Tournus, ville dont les habitants ne tiennent pas pour la ligue et veulent se défendre de la tyrannie des moines.

De Beauffremont était sans cesse à combattre les gens de la ligue. Un soir revenant d’une “course” il surprit les ligueurs de Tournus qui assaillaient les royalistes entre Mâcon et Uchizy. Lui et sa troupe chargèrent avec tant d’impétuosité les ligueurs, qu’ils les mirent en déroute. La garnison de Tournus eut cinquante hommes tués, quarante cinq faits prisonniers avec leur chef, Monsieur De La Tour, et cinq officiers. Le reste, s’étant jeté dans les vignes, fut assassiné par les paysans. Quant aux royalistes, dont le nombre ne dépassait pas quatre-vingts hommes, il n’y eut, selon la chronique, qu’un seul tué et un seul blessé.

En 1589, la ligue s’empare du château de Cruzilles dont les défenseurs furent tous massacrés, sauf le comte qui s’était enfui, prévenu par son frère, qui était de la ligue. On peut donc imaginer la force des sentiments qui contribuait à séparer Tavannes et Beauffremont.

A ces maux, occasionnés par la guerre civile, viennent s’ajouter les ravages de la peste qui sévit avec une grande vigueur une partie de l’année 1587.(5) Seul un miracle pouvait faire revenir dans le giron de l’église ce peuple du haut mâconnais, dont la foi était encore plus vacillante qu’à l’habitude (rappelons nous la destruction par le feu de cinq églises de la région dont Bissy et le Mont Saint Romain un peu avant l’an MIL) (8) On fit donc faire ce miracle à Geneviève : sauver Tavannes, son défenseur d’alors, avec l’espoir que le petit peuple verrait là, un signe lui montrant le chemin du retour à la foi chrétienne. Qui en eut l’idée ? L’évêque de Mâcon ? possible, mais quel camouflet pour ses pairs, qui dans un concile tenu à Mâcon en 585, contestaient sa qualité de créature humaine à la femme. Penchons plutôt pour une manœuvre des moines, et, ceux de Tournus semblaient alors plus engagés (j’allais dire : plus enragés) dans la bataille que leurs collègues de Cluny. Quoi qu’il en fut, Tavannes fut si touché par la grâce, que sitôt l’abjuration de Henri IV, en 1593, il se rallia à sa cause, et, non content d’abandonner la ligue, il en devint l’un de ses adversaires les plus farouches.

Le passage de ses troupes dans la région laissa longtemps des souvenirs cuisants (viols, pillages) nous dit Meulien (5). C’est aussi lui, dont les troupes barraient la Saône, qui s’empara des trésors d’église que les bons pères avertis la veille du pillage de Mâcon par les Huguenots, s’empressaient d’aller mettre à l’abri chez les cordeliers de Lyon. Il donne à son épouse des ornements à fond d’or et d’argent, elle s’en fait faire une robe traînante qu’elle porte devant le Roy pendant son séjour à Maçon. Le père Emot, voyant passer les ornements de son église, se met à genoux à l’instant devant Madame de Tavannes, baisant cette robe avec respect. De Tavannes se crut insulté et donna un soufflet au cordelier devant le Roy. (4) Suivant Léonce Lex, dans sa notice historique de Lugny, Catherine de Chabot, dame de Lugny a épousé le 15 Janvier 1579, de Tavannes, baron de Sully et Igornay, gouverneur d’Auxonne, lieutenant du Roy, puis Maréchal de France. Sa petite fille Claire de Saulx était marquise et dame de Lugny, contesse de Brandon et Cruzilles, qui donna un dénombrement du comté de Cruzilles en 1673 (6) (post mortem, G de Beauffremont était définitivement KO).

II est difficile de croire qu’une sainte ait pu se fourvoyer à ce point en sauvant la vie d’un homme qui fit certainement plus de mal que de bien à l’église. Il est néanmoins impossible, d’ignorer la notoriété de Geneviève dans la région et les vertus attachées à l’eau de cette roche.

J’ai entendu raconter, souvent, par Emile Combier, mon beau-père, cette histoire d’un père, qui, dans les années 1914-1915 allait chaque jour, au pied de la roche, recueillir, goutte à goutte, une eau qui lui permit de sauver sa fille du croup (fille qui est toujours en vie ce jour…). Qui peut dire comment s’appellerait cette roche si Beauffremont avait été de la ligue ? On se pose moins de questions avec la légende de Ste Geneviève… de Brabant.. Alors ? On continue comme avant ?

Au fait, êtes vous nombreux, gens de Cruzille, à être montés au sommet de cette roche ou à l’avoir seulement contemplée depuis les arrières de Sagy ? ste-genevieve Bibliographie :

-* (1) Emile Magnien – Histoire de Mâcon et du Mâconnais 1992

-* (2) Le Robert

-* (3) Extrait des oeuvres de Voltaire

-* (4) Roger Jay – Les Mystères de Saône et Loire

-* (5) E. Meulien – Histoire de Toumus (M DCCC XCII)

-* (6) Léonce Lex – Notice historique de Lugny et hameaux (M DCCC XCII)

-* (7) Le Progrès du 07.05.1998

-* (8) Gabriel Jeanton

Copier un auteur, c’est du plagiat, en copier plusieurs…. c’est de la recherche ! disait…. l’autre (a)

Maurice POTIER

(a) j’ai oublié qui disait cela

TEMOIGNAGES

La petite fille miraculeusement guérie

« En 1914, à l’âge de 4 ans, je suis tombée très gravement malade. J’avais une broncho-pneumonie et le docteur disait qu’il ne pouvait plus rien pour moi. Il faut dire que les médicaments étaient rares à cette époque et la médecine n’avait pas les moyens qu’elle a aujourd’hui. Mon père s’est souvenu alors qu’une légende racontait qu’une petite source s’écoulait du rocher de Ste Geneviève et que son eau était miraculeuse. Il entreprit dont donc, en désespoir de cause, de faire l’ascension de la Roche pour retrouver cette source. Ce ne fut pas chose facile, car le chemin avait disparu sous les branches et les épines. Sa ténacité lui a cependant permis de retrouver la source, qui n’était en fait qu’un mince filet d’eau, et il en a rempli la petite bouteille qu’il avait emportée. Il l’a ensuite rapportée à la maison. Je n’ai bu de cette eau qu’une seule fois et… le lendemain, la fièvre était tombée alors que j’en avais depuis plus d’une semaine. J’ai ensuite redemandé à manger et mon état s’est alors amélioré petit à petit. Le docteur en a été très surpris, mais aucune explication ne lui a été donnée. Les médecins ne croyaient pas en autre chose qu’en leur science.”

Juliette CHAMBARD

Le pèlerinage à la source Sainte Geneviève

« Lorsque j’étais enfant, la centenaire du village racontait des histoires à mes sœurs plus âgées, notamment la légende attachée à la roche Sainte Geneviève ; les vieux prétendaient avoir vu l’empreinte du sabot du cheval du comte de Tavannes et affirmaient pouvoir la montrer. La statue mal scellée dans sa niche aurait été renversée par le meunier du moulin Meurier qui avait grimpé à la roche : elle s’est brisée en tombant, seule la tête a été récupérée et entreposée chez M. Guénebaud (actuelle maison de M. Guilloux). Elle pariait également du pèlerinage qui y avait lieu : on venait de fort loin, ” même de la Bresse”, pour recueillir l’eau – eau calcaire très claire – qui s’écoulait d’une fissure de la roche dans une petite niche. Les pèlerins déposaient une pièce au pied de la croix en partant. • Avec les garçons de mon âge, nous allions en champ et nous jouions près de la roche. Deux fois nous avons découvert des petites pièces jaunes sur le socle de la croix : il y avait une petite fente entre le socle et la croix qui faisait une urne, on les poussait dedans. D’autres garçons sans doute les récupéraient… Nous grimpions sur la roche pour essayer d’apercevoir la statue (la tradition orale rapporte qu’elle est plus grande que la première), moi je n’osais par trop me pencher au-dessus du rebord, mais Charles Signoret qui était aussi leste qu’un chat escaladait jusqu’à la niche. »

Lucien BONVILAIN

GENEVIEVE VIE ET LEGENDE

Lat. Genovefa ; ital. Genoveffa ; esp. Genaveva ; ail. Genovefa. Vierge. Morte v.500. Fête le 3 janvier ste-genevieve-musee-greuze L’évêque Germain d’Auxerre remarque la piété de Geneviève, âgée de sept ans, lors de son passage à Nanterre où elle naît. Sa mère est frappée de cécité pour avoir donné un soufflet à Geneviève. Celle-ci la guérit avec de l’eau qu’elle a bénie. Elle prend le voile des vierges à 15 ans. Saint-Germain la défend contre les calomnies. Geneviève fait construire la première basilique de Saint-Denis. Elle visite de nuit le chantier avec ses compagnes, quand le vent éteint le cierge qui éclairait le chemin du petit groupe. Geneviève prend le cierge, qui se rallume aussitôt, et sa flamme résiste à toutes les bourrasques. Lors de l’invasion d’Attila, elle empêche, non sans peine, les habitants de céder à la panique et de fuir. A sa mort, Clovis et Clotilde, en relations amicales avec elle, font élever une église sur sa tombe. D’abord dédiée à saint Pierre, elle prend bientôt le nom d’église Sainte-Geneviève. Geneviève est la patronne de Paris.

REPRESENTATIONS

Jusqu’au XIVe SIECLE, Geneviève est vêtue d’une robe de jeune fille noble, plus rarement de religieuse ; elle tient à la main un cierge qu’un démon essaie d’éteindre, mais qu’un ange dent allumé (Belles heures du duc de Berry. 1407-1408, New York, Cloisters).

Dans une autre scène, elle rend la vue à sa mère.

Un changement radical intervient à la fin du XVe siècle : Geneviève devient alors une jeune bergère entourée de moutons : sans doute l’a-t-on confondue avec Jeanne d’Arc enfant.

Cette métamorphose peut aussi être rapprochée de la Vierge pastourelle, réplique féminine du Bon Pasteur, qui ne semble pas apparaître avant le XVIIe siècle. Elle est assise, une houlette à la main, entourée de son troupeau, au milieu d’un cromlech (école de Fontainebleau, église Saint-Merry à Paris).

Hugo Van der Goes la montre avec un diable éteignant son cierge (XV° siècle. Vienne, Gemäldegalerie).

Au XIXe siècle. Puvis de Chavannes consacre un cycle à l’enfance de Geneviève (1874, Panthéon, ancienne église Sainte-Geneviève à Paris).

Attributs : Cierge. Livre. Houlette de bergère.

Renvois : Bon Pasteur. Germain d’Auxerre. Vierge pastourelle.

Bibl. : L. Beaumont-Maillet, J. Dubois, Sainte Geneviève de Paris, Paris, 1982. extrait de LA BIBLE ET SES SAINTS : GUIDE ICONOGRAPHIQUE de DUCHET-SUCHAUX et Michel PASTOUREAU 1996 Flammarion