A la recherche du passé cruzillois : l’antiquité

LES GRANDES PERIODES DE L’HISTOIRE
 L’Antiquité

Suite à la préhistoire, vient la période de l’Antiquité qui débute avec l’apparition de l’écriture aux environs du milieu du IIIème siècle avant J.C. et prend fin à la chute de Rome à la fin du Vème siècle (476).
De nombreux vestiges de cette époque sont présents en Saône et Loire, entre autre à Autun, Bibracte.

Bibracte : Située sur le sommet du Mont Beuvray, Bibracte fut fondée à la fin du IIème siècle par les éduens, peuple gaulois qui y installa pour un siècle sa capitale. C’est aussi un lieu de mémoire, où Jules César s’installa après sa victoire à Alésia pour mettre la dernière main à ses Commentaires sur la guerre des Gaules. Bibracte est aujourd’hui un lieu unique en Europe : un site naturel et historique d’exception, labellisé grand site de France, un centre de recherche européen et un musée archéologique.

Autun : Née de la volonté de l’empereur Auguste, pour remplacer Bibracte, il lui donna son nom, Augustodunum. La ville conserve de nombreux vestiges de l’antiquité romaine : théâtre, portes, remparts….Solitaire sur la plaine, bien à la sortie de la ville d’Autun, au-delà des remparts gallo-romains toujours debout, se dresse le Temple de Janus. C’est un des précieux vestiges de la puissante Augustodunum, surnommée « sœur et émule de Rome ».

Cruzille gallo-romaine

Dans l’inventaire des sites archéologiques de Cruzille on trouve mention de 3 lieux : « Aux grands Prés » un pont gallo -romain, à la Verchère où ont été retrouvés des tuiles ou fragments de tuiles romaines (taegulae ) et enfin au « Champ de Bray » où sont présentes des traces de bâtiment de cette époque.
 
piece-romaine-1piece-romaine-2Un certain nombre de Cruzillois ont trouvé également des monnaies de la période gallo-romaine, monnaies qui ont circulé bien sûr dans toute la Gaule-Romaine, voire l’empire romain.
Dans les Annales de l’Académie de Mâcon de 1932, numérisées maintenant, on trouve cette mention d’une occupation pré-romaine, au bas d’une page.
« Mr Daclin est remercié de sa communication ; puis M. Jeanton membre titulaire, à propos de l’oppidum de Gergovie, signale que dans le plan cadastral de la région mâconnaise, figure sous le nom de Verdun , du côté du Mont St Romain, sur la commune de Cruzilles, un emplacement de l’occupation pré-romaine. Notre associé, M. Mazenod, a fait des recherches sur le plateau et constaté des murs formés de blocs de grès. On va essayer de pratiquer des fouilles. A cet effet, l’Académie vote une somme de 100 francs, qui pourra être portée à 300 francs si l’entreprise accuse un réel intérêt… »
En 1934 , dans les comptes-rendus de l’Académie, on retrouve une petite mention de ces fouilles, paradoxalement pas les résultats, mais juste la proposition de Mr Mazenod d’utiliser le reliquat pour fouiller à Chardonnay …Doit-on en déduire que rien n’avait été trouvé ?

 

Cruzille : une voie romaine ?

A partir de Lyon, de nombreux axes routiers construits au temps d’Auguste et d’Agrippa au premier siècle mettent en relation la nouvelle capitale des Gaules avec les grandes cités de l’Empire romain. Ces grandes routes impériales relèvent de l’Etat romain (voies militaires et voies postales).
L’un des axes majeurs – la Via Agrippa – remonte le val de Saône jusqu’à Chalon où il se divise en deux branches : l’une vers Boulogne par Autun et Auxerre, l’autre vers Trèves par Langres et Toul.
Rapidement, est apparue la nécessité de créer d’autres voies secondaires entre Lyon et Autun, peut-être pour contourner les crues fréquentes de la Saône mais surtout pour en raccourcir le trajet (le tracé utilisera fréquemment des pistes gauloises préexistantes). Intérêt corollaire : les romains peuvent ainsi coloniser le pays entre la Saône et la Loire.
Ainsi, entre le premier et le cinquième siècle, trois grandes voies romaines parcouraient la région :
  • de Lyon à Autun par le col des Écharmeaux, Charolles et Toulon sur Arroux
  • de Mâcon à Autun par Clessé, Saint Gengoux le National et Cersot. La distance était de 80 kilomètre alors que par Tournus et Chalon il fallait en compter 102.
  • de Belleville à Autun par Tramayes et la vallée de la Grosne jusqu’à Saint Gengoux le National où elle rejoignait la voie de Mâcon à Autun avec laquelle elle se confondait.
C’est la voie de Mâcon à Autun qui nous intéresse plus particulièrement. C’est aussi celle qui laisse les vestiges apparents les plus nombreux de sa construction typiquement antique avec des levées empierrées.
 
Le comte de Leusse en a étudié les traces encore visibles en 1922 et a pu en déterminer le parcours entre Mâcon et Saint Gengoux le National :
 
Elle passait à Flacé, Chazoux, Hurigny et se dirigeait vers Laizé. Puis elle traversait la Mouge sur le vieux pont romain dit “pont Taulin”. Elle se dirigeait ensuite plein nord entre Saint Maurice de Satonnay et Clessé jusqu’ à un virage à angle droit sur la gauche en direction du Carruge, hameau de Péronne (le tracé en est attesté sur la carte IGN 30280 Mâcon, elle a pris ici le nom de “via Brunichildis ou voie Brunehaut“. Très apparente encore au lieu-dit “les Justices” où ses pavés sont intacts). Un peu plus au nord, on traversait le hameau de Saint Pierre de Lanques et par le lieu-dit “Le Fournet” elle aboutissait près de Boye (la voie coupait la route actuelle de Saint Gengoux de Scissé à Bissy la Mâconnaise au lieu-dit “En Pannonceau”). La voie latine remontait ensuite à flanc de coteau vers Charcuble où elle franchissait la crête de la montagne. Par le bois de Saint Romain, elle rejoignait Prayes puis Lancharre à travers la forêt de Chapaize. Pour rejoindre Saint Gengoux le National, elle franchissait la Grosne au Pont d’Epinay après avoir traversé le village de Colombier sous Uxelles.
Une variante fut utilisée par la suite, sans doute afin d’éviter le tracé dans la forêt de Chapaize jugé trop dangereux. Elle passait par Lys, la Bergerie (où l’on a retrouvé les traces de son pavage) pour suivre la vallée de la Grosne et la traverser à Messeugne.
 
Peu d’écrits évoquent le passage de cette voie romaine sur la commune de Cruzille.
Dans plusieurs textes, notamment “Statistiques du département de Saône et Loire “ publié en 1838 par le Conseil Général et certains “Annuaires du département de Saône et Loire“ on ne note que cette remarque succincte « voie romaine » sans plus de précision.
On aurait pu imaginer que cette fameuse voie passait donc très près de Fragnes, mais la liste des vestiges gallo-romains tangibles entre Charcuble et Prayes pourrait nous imposer un trajet quasi rectiligne surplombant le talweg à l’ouest :
  • à Charcuble, près de l’actuelle chapelle, vestiges bien conservés d’une voie romaine qui paraît avoir eu sa direction sur Saint Gengoux le Royal.
  • de loin en loin, de nombreux murs, empierrements en hérisson, fossés dans le bois de Saint Romain.
  • des passages de la voie romaine aux lieux-dits ”la Grand Baume” puis ”les Elys” ; et plus en aval pour franchir le bief de Fragnes.
  • des traces d’habitat à ”la Grand Baume” ainsi que des vestiges évoquant une tuilerie.
  • “En Notureau” (aux ”Hauts Theurots”), un écart ruiné en aval de ces lieux-dits, où l’on a retrouvé des tuiles romaines à rebord et des restes de construction : ”la Tour des Quatre Boeufs” dénommé ainsi parce qu’on y tenait en permanence quatre bœufs frais pour aider à la montée en direction du col de la Pistole. Ce lieu prit ensuite le nom de ”Tour des Bois”.
  • un peu à l’écart, près du sommet du Mont Saint Romain, on peut encore voir les ruines d’un temple gallo-romain.
  • un terrain emblématique près de Fragnes, terrain plat en ces lieux accidentés, autrefois entouré de gros murs et dénommé ”sur Chatillon”.
 
Le tracé suivi par cette voie romaine se situerait donc entre les chemins de ronde bas et du milieu de la forêt domaniale et traverserait la partie de forêt communale de Cruzille ”bois du Buisson Berger” :
voie-romaineCependant, ce tracé imprécis en l’état de nos connaissances comporte des portions de voie assez pentues qu’il était nécessaire d’éviter pour certains transports. Peut-être en empruntant un des très nombreux sentiers gaulois qui subsistaient : on peut donc aussi imaginer d’autres itinéraires, y compris passant sur le territoire de Cruzille en direction de Brancion (des pavages étaient visibles il y a encore quelques années sur le chemin du Mont près du col de la Pistole – actuel GR- avant qu’ils ne soient recouverts de “cran” en raison de passages nombreux de marcheurs et engins motorisés.).Ce même chemin sera emprunté quelques siècles plus tard par les pèlerins de Compostelle venant de Langres et par les moines de Cluny se rendant dans leur doyenné de Beaumont sur Grosne.
 
Bibliographie :
– le Mâconnais gallo-romain par Gabriel Jeanton
– La riche histoire de Saint Gengoux de Scissé par Marguerite Maurice 1984
– La voie d’origine antique de Mâcon et de Tournus à Autun par Alain Dessertenne et S.H.N.C.
– La voie romaine de Mâcon à Saint Gengoux le Royal par Henry Desvignes 1961
– Dictionnaire géographique par Chavot
– Annuaires de Saône et Loire, 1843 et 1856
– Statistiques du département de Saône et Loire par Camille Ragut, 1838
 
Entretiens avec :
– M. Roger Perraud (Prayes), retraité de l’ONF
– M. Jean Duriaud (SAAST)
– Mme Noëlle Proutry (association Bissy d’hier et d’aujourd’hui)