Histoire du Château de Cruzille à partir du XIXème

L’allée des tilleuls, et la serve

( Extraits des registres du conseil municipal, fautes y-comprises !)

par Maurice Potier

13 Mars 1816 :

« Le sieur Mulcey a observez au conseil municipal quand 1814 , le verglas abondant nécessita la tonte de l’allée dite des Tilleuls , en sa qualité d’adjoint, il y fit procéder par les habitants commandés à cet effet , que depuis , Mr Dulle de Villefranche résident, que cette allée est sa propriété, il a intenté ainsi qu’au sieur Jacques Ducloux , habitons d’un de ceux qui sous ses ordres procédais à ladite tonte , un procès en trouble. »

Les tribunaux renvoyèrent ce dossier au conseil de Préfecture « Qu’il invite le conseil de s’expliquer et de prendre faite et cause en mains s’il le juge à propos. »

« Le conseil considérant que l’allée dont il s’agit est une propriété communale que depuis les lois sur la suppression du régime féodal elle a agi sans troube  (… ?) sur un chemin qui conduit à l’église, que le sieur Mulcey en sa qualité d’adjoint n’a fait qu’un acte conservatoire pour la commune , tel qu’un bon père de famille aurais pu le faire , intimés que le procès intenté par Mr Dulle de Villefranche , MMrs le Préfet et les membres du conseil demeurent suppliés d’accorder leu autorisation . »

27 Septembre 1829:   Procès des Tilleuls…

Le Préfet autorise la commune à « interjeter » appel sur une instance qu’elle a succombé , au tribunal civil de Maçon contre MMrs de Villefranche et Chamborre .

13 Mars 1831 :

Procès toujours en cours , les avoués réclament 1377 fcs 45 que le conseil ne veut pas payer et conseille de réclamer aux sieurs Villefranche et Chamborre .

04 Avril 1831 :

Comptes de J. Mulcey , ancien Maire , qui demande sur huit feuillets à la commune une somme de 2831 fcs 31 pour remboursements de frais dont certains de l’affaire des tilleuls qui remonte à mars 1813 .

07 Nov 1831:

Le sieur Mulcey demande à nouveau des sommes en remboursement. Ce que le conseil déclare irrecevable .

10 Septembre 1838 : Cette info, à laquelle je n’ai pu résister…. Rien à voir
avec le château, MAIS.

=Au Procureur du Roi….. Il faut, dit le Maire, punir une nommée Claudine François dite MATON, domestique du sieur Simon MOINDROT, propriétaire à Cruzilles. Cette fille vit en concubinage avec le sieur Moindrot qui est séparé de corps avec sa femme. (E dépôt 113) ça vaut le coup , non ?

26 Mai 1839 :

Suite à une relance des demoiselles Chamborre, dont une est l’épouse de Porcher, membre du conseil municipal , le maire déclare : = « L’avenue ou allée dont la commune a de temps immémorial toujours ‘ jouit ‘ comme d’un chemin public pour la tenue des foires , de chemin pour aller à l’église , pour faire les processions , pour aller aux bois communaux , que si cette avenue avait appartenu aux héritiers de M. le Comte de Montrevel , ils se seraient opposés à la construction de plusieurs bâtiments particuliers construits au N . et au S. de l’allée et si ce chemin leur appartient, il faut donc démolir l’église , ou acheter un autre chemin. »

26 Juin 1840:

Nomination de certains membres du conseil, dont Porcher Dominique ( époux d’une des demoiselles Chamborre, propriétaire du château ).

06 Sept 1840 :

Le Préfet signifie l’arrêt de la cour royale du 28 novembre dernier de DIJON, qui confirme le jugement du tribunal civil de Mâcon où la commune a ‘succombé’ dans un procès avec les dames Chaborre, pour une allée des tilleuls. ( AD.SL- 95 E dépôt 113 )

02 Nov 1840:

Vu la proposition faite par M. Dominique Chamborre , de céder les droits sur l’allée des tilleuls , le conseil délibérant est d’avis que M. le Préfet donne la marche à suivre.

09 Mai 1841 :

Les frais de procès avec les dames Chamborre , s’élèvent à 953 fcs 32.

20 Juin 1841 :

Séance extraordinaire « Allée des Tilleuls ou chemin de la serve du château . » : = Le conseil demande au sieu Porcher de fixer le prix qu’il désire vendre ses droits : « – réponse 5000 francs ! »

Le conseil lui offre 1000 fcs ,il déclare ne vouloir accepter et il a refusé de signer.

= Détails: «  Le contenu du chemin n’est que de 22 ares 50 cta . Sont plantés 60 tilleuls ,dont une partie qui tombe en ‘vétustée’ . »

Une partie du chemin est traversée par le chemin vicinal No 1, tombant à la route départementale de Lugny . Pour ces motifs , le conseil pense que le sieur Porcher est grandement dans l’erreur, et que la somme de 1000 fcs est suffisante , que jamais il n’a été payé d’impôt dudit chemin. Le conseil est d’avis que cette somme de 1000 fcs ne soit pas dépassée .

24 Juin 1841 :

Séance extraordinaire :

 Dominique Porcher et dame Cornèline Eugénie Chamborre , lesquels par leur avocat de Maçon , Jeanton , exposent qu’ils sont propriétaires de deux sentiers , l’un en section B , en midi section 3 dit chemin de la combe de Sagy , et un autre en face des terres et des vignes leur appartenant 4. 28 et 4. 29 section B .

Le Maire et son conseil délibèrent sur cette demande qui n’est fondée ni par titres , ni par possession , et ne peut du ‘ faite ‘ que par l’ambition de personnes, délibérer sur une demande motivée par l’ambition qui porte à nuire à ses voisins , et les priver des droits que la commune jouit, comme chemin de commune à commune.

Le chemin de la combe appartient à plusieurs habitants , sauf une parcelle de bois de 125 mètres ( section G 33 ).

Pour se rendre à l’église , les habitants de Fragnes utilisent le chemin à l’angle SE de la forêt de buis au chemin de la combe de Sagy .

14 Nov 1841 :

La commune doit : = 3060 francs , reliquat des frais d’un long procès sur les forêts perdu contre Charcubles . = 950 francs aux dames Chamborre .

S’ils doivent payer les 1000 fcs du chemin des tilleuls, la dette se montera à 5013 fcs . Le conseil supplie le Préfet d’autoriser la commune à vendre partie de ses bois .

20 Nov 1841 :

L’allée des tilleuls a été classée chemin vicinal par arrêté préfectoral. En effet, le 26 mai 1839 , Dlles Chamborre , épouses de Dominique Porcher ( actuel membre du conseil municipal ), de Jean Thivier et de L. Juillard , avaient introduit une plainte .Place publique, dit le maire, qui a toujours servi à la tenue des foires , chemin d’église pour faire des processions , pour aller au bois , où passent les habitants des principaux hameaux ,et, que le préfet, le 27 avril 1829 , avait autorisé la commune à ‘interjetter’ appel .

13 nov 1842 :

Le conseil fait le point sur ce qui est à payer :

= -3647 fcs 17 , des frais de Charcubles seront payés par Sagy .

= Ceux de Collonge auront à payer les frais du procès aux héritiers Chamborre : le rachat de l’allée des tilleuls .

19 mars 1843 :

Achat de l’allée des tilleuls : = Estimation par experts de la serve du château et de l’allée des tilleuls qui a été reconnue appartenir aux dames Chamborre : = Le sol est estimé à 1298 F 25 . = Les 58 tilleuls sont estimés à 400 fcs ( ET …. 45 fcs sont réclamés par les dames pour un terrain au cimetière payé en 1810 par Mr de Villefranche – le conseil refuse cela, car si les héritiers Chamborre avaient eu à prétendre à ce sol , ils ne l’auraient pas acheté à la commune . )

24 Sept 1843 :

Le Maire demande au conseil « Comment va-t-on payer les frais du procès Chamborre ? . »

Celui-ci , bien qu’étant du conseil , devient de plus en plus avide .

28 Sept 1843 :  (AD71-O674)

Vente à la commune du chemin No 1 , allée des tilleuls 25 ares 71 ça , chemin classé par le Préfet le 20 septembre 1841 , joignant de matin le mur du cimetière et d’un terrain vague de midi, de bâtiment ‘efondrés’ à plusieurs particuliers , une place et un chemin publics , la maison commune , et des vignes et des terres appartenant à la venderesse . De soir, la grande terrasse de l’ancien château. De nord des bâtiments et des fonds à plusieurs particuliers, un autre chemin public et un verger au sieur Letourneau . ( Note de l’auteur : « Si t’as compris lecteur, t’es un chef ! « )

09 Sept 1850 :

Arrêté du Maire

Le maire , considérant que la commune est propriétaire de l’allée des tilleuls , qui va de l’ancien cimetière à l’est, jusqu’au mur de la terrasse du château à l’ouest, que cette avenue faisant l’agrément de la commune et des personnes qui passent journellement ,qu’elle sert en outre à la tenue des foires

ARRETE :

= Article 1 : II est défendu à toute personne de déposer sur ladite avenue aucun objet, à défaut pour eux de s’y conformer, il sera fait des procès verbaux .

09 Février 1851 :

Plantation de jeunes Tilleuls ….

Le maire expose au conseil de faire remplacer les tilleuls qui manquent dans l’avenue du château à l’église .Il importe d’entretenir cette avenue qui est l’ornement de la commune .

18 Juin 1855 :

Dominique PORCHER est nommé Maire , Mathieu Gillet adjoint.

25 Août 1861 :

Le maire Porcher démissionne, il est remplacé par Pierre Paul BARRIARD – Tous deux sont du château… .Que s’est-il passé ?

01 Janv 1862 :  Serve du château

Le conseil, extraordinairement réuni sous la présidence d’Antoine BOUILLOUD, adjoint, considérant que Mr Barriard Pierre, propriétaire du château et maire de Cruzille, a élevé des prétentions exclusives de propriété sur un réservoir appelé ‘ la serve du château ‘, lequel réservoir a toujours été considéré comme propriété communale. Le conseil considère qu’il y a lieu d’intenter un procès en revendication du réservoir dont il s’agit au sieur Barriard, et demande au Préfet, la marce qu’il doit suivre dans cette circonstance .

11 Mai 1862 :

Le conseil vote 50 francs pour faire examiner l’affaire par un jurisconsulte .

08 Février 1864 :  La SERVE ….

Par délibération du 1er janvier 1862 , le conseil demandait l’autorisation d’intenter un procès à Mr Barriard . Un jurisconsulte qui a été appelé a conclu que cette serve appartenait et a toujours appartenu à la commune . Attendu que Mr Barriard, maire en exercice, ne s’est désisté de cette propriété que verbalement, le conseil demande à nouveau l’autorisation de le poursuivre, à moins qu’il ne renonce par écrit, sans prétentions de propriété et qu’il remette les lieux dans leur état primitif.

07 Avril 1864 :

Le Préfet, dans une lettre à l’adjoint, écrivait le 1er avril , et donnait copie de la déclaration de Mr Barriard , portant renonciation de ses droits de propriété sur la serve du château . Déclaration qui met fin à toute contestation, en effet, le 1er avril Barriard écrivait au Préfet qu’il renonçait au droit de propriété de la serve , mais à condition que la commune s’engagera à la tenir en bon état de réparations et propreté.

07 Août 1864 :

Le maire fait part d’une pétition signée d’un grand nombre d’habitants de cette commune tendant à obtenir que le curage du ruisseau qui traverse le hameau de Cruzille et qui alimente la serve soit fait par les propriétaires riverains dudit cours d’eau .

14 Février 1866 :  Encore lui…

Barriard ancien maire, vient de joindre à sa propriété une partie d’un terrain communal appelé ‘ le champ de foire ‘ . Les murs de clôture sont en ce moment en cours de construction . Le terrain réuni à sa propriété a une longueur de 85 mètres . Ce fait prive la commune de son champ de foire déjà d’une trop faible étendue. Considérant que ce terrain de la commune est en voie d’être réuni au clos de M. Barriard , que ce terrain est d’une utilité incontestable pour la tenue des foires , le conseil exige que les lieux soient remis en état .

15 Mai 1870 :  Champ de foire sous les tilleuls ….

Le maire expose que le champ de foire a été transféré sur la place de la serve il y a deux ans , mais que l’agglomération des bestiaux présente des dangers et demande que le champ de foire ait lieu sous les tilleuls . Le conseil est de cet avis , et que la place de la serve où se trouvent la fontaine , l’abreuvoir et le lavoir restent libres. La tenue d’une foire sur cette place présente des dangers pour les personnes qui ont à aller puiser de l’eau , laver du linge. De plus, cette place est traversée par 6 chemins et la route No 61 .

17 Nov 1872 :  Tonte des Tilleuls

Le maire rappelle au conseil que les tilleuls sont en âge d’être tondus. Il prie Mr le Préfet d’autoriser la tonte… ( Elle a servi à quoi la révolution, il y a 83 ans ??)

15 Février 1877 :  Nivellement allée des tilleuls .

Le maire expose qu’il serait dans l’intérêt de la commune , tant pour l’utilité que pour la propreté , de faire niveler la partie de l’allée des tilleuls comprise entre la place communale et le chemin 61 . Le conseil est d’accord de l’accepter après qu’ils auront fixé les conditions nécessaires à l’enlèvement ou au dépôt des déblais provenant dudit nivellement.

Le sieur François CHAMBARD accepte de faire le travail gratuitement dans un délai de deux ans et que les tilleuls devant tomber lui appartiendraient, mais qu’ils seraient abattus qu’autant que le terrain sur lequel ils reposent seront enlevés.

Le dépôt se fera sur l’excèdent de terrain compris entre le chemin 61 et la rue des morts.

16 Nov 1899 : Tonte des Tilleuls .

Les branches des tilleuls situés dans l’allée dite ‘ des tilleuls ‘ ont atteint leur entier développement, le conseil est d’avis de les faire couper et de vendre les produits , aux enchères publiques.

14 Août 1892 :

Le maire expose que la mare dite « serve du château » est remplie de vase , et qu’il serait urgent de profiter de la sécheresse actuelle pour la nettoyer, et propose de voter une somme de 10 francs.

30 Août 1903 :

Le maire, sur conseil des habitants, organise un ‘référendum’ sur l’intérêt qu’il y aurait pour la commune, de faire l’acquisition de la forêt de buis appartenant à Mme Abeille du château.

( J’avais noté quelque part, mais où ? qu’en 1941 , Mlle COURTIN achetait le château , dont le bois de buis. Elle fut fusillée en 1944 .)

17 Mai 1936 :  Encore ELLE ! !

Madame ABEILLE , du château , ‘ose’ demander l’aide d’assistance aux vieillards . Ce qui lui est refusé par 6 voix contre 1 .

Et pour en finir .

27 Février 1938 : Abattage des Tilleuls :

Des perturbations dans les communications téléphoniques seront certainement causées par les branches de 3 tilleuls situés en bordure de la place de la mairie, il y aura lieu d’élaguer chaque année que par suite leur disparition s’impose. Ces tilleuls n’offrant aucun intérêts les membres du conseil en décident l’abattage .

Si les relevés des archives sont souvent curieux, et pas toujours faciles à comprendre, avoue, lecteur que ça aurait pu faire une belle histoire dans un bulletin municipal.

Texte et copies de cartes postales anciennes extraits du document de  Maurice Potier.

Droits de reproduction réservés.

Sainte Geneviève

LA ROCHE DE SAINTE GENEVIÈVE A CRUZILLE

Cet article de Maurice POTIER est paru dans le bulletin municipal de Cruzille édité en 1999.

Dès la fin du second siècle, remontant la vallée du Rhône, l’importance des facteurs religieux apparaît dans l’histoire du pays mâconnais.

De nombreux sites naturels, lieux de culte païen changent ainsi de “titulaires” mais les pratiques restent les mêmes, fondées sur les ancestrales croyances aux génies et divinités des bois, des monts et des sources, ainsi à Jalogny la fontaine Saint Nizier, à Cluny la fontaine des Croix, à Monsols le mont et la fontaine Saint Rigaud, à Blanot le mont Saint Romain, à Placé la fontaine Sainte Reine.

A Mâcon, la première cathédrale est dédiée aux Saints Gervais et Protais, elle s’élève près de la Saône et du port, là où abordent les nautes de la rivière, et où sans doute, elle succéda à un temple païen dédié à Mercure. (1)

Et puis, ce 07 Mai 1998. dans le PROGRES, cet article amusant “IN WEBO VERITAS” (on la disait ailleurs, pourtant…) où on nous apprend que l’église catholique vient de décider de se doter d’un site sur le réseau internet : “un web”. Rien n’est plus naturel, on ne voit pas en effet pourquoi l’église catholique bouderait cette nouveauté qu’est le “web”, elle qui a su se marier avec son temps et qui a su réaménager avec bonheur les rites, les sanctuaires des Gaulois, des Germains, des Angles et des Saxons. (7)

Alors, pourquoi pas Geneviève à Cruzille ? En 1589. au pied d’une pierre, le rocher dit de Sainte Geneviève, la Sainte aurait sauvé Monsieur de Tavannes. poursuivi par les Huguenots. Qui étaient donc ces héros de légende ?

ELLE : Geneviève, vierge, Sainte, chrétienne, patronne de Paris (Nanterre vers 422-Paris 502). Ses prières auraient détourné de Lutèce les armées d’Attila en 451.

Enterrée sur la montagne Sainte Geneviève (l’actuel Panthéon) ses reliques passèrent, pour capables d’éloigner les désastres (Fête le 03 Janvier).

A ne pas confondre (comme c’est souvent le cas) avec Geneviève de Brabant, légende populaire du Moyen Age dont la première transcription fut donnée par Jacques de Voragne. dans sa légende dorée (Xlle).

Cette légende inspira de nombreux écrivains et musiciens dont Haydn, Schumann et Offenbach (2).

LUI : De Tavannes était le chef supérieur des forces catholiques de Bourgogne, donc de la ligue pendant la guerre dite “de religion”. Il devint Maréchal de France et gouverneur de Bourgogne. Enfant, il fut élevé page de François 1er.

Le 15 mars 1569 il fut vainqueur de la célèbre bataille de Jarnac (ville non moins célèbre d’ailleurs…).

Le 24 Août 1572, jour de la Saint Barthélémy, il courait dans les rues, criant : “Saignez, saignez, la saignée est aussi bonne au mois d’Août qu’au mois de Mai.”

Son fils qui a écrit ses mémoires, rapporte que son père étant au lit de la mort, fit une confession générales de sa vie et que le confesseur lui ayant dit d’un air étonné : “Quoi, vous ne parlez pas de la Saint Barthélémy ?” “Je la regarde, répondit le Maréchal, comme une action méritoire qui dort effacer mes autres péchés.”

Il faut ici, faire intervenir un autre personnage : Georges Epimondas de Beauffremont, Seigneur de Cruzilles, sans lequel cette roche serait certainement restée ce qu’elle était alors : un lieu de croyances obscures. (les peuples anciens associaient les points hauts et la croisée des chemins à leurs croyances.)

De Beauffremont obtint du roi. en récompense de ses services, l’érection de sa terre de Cruzilles en comté et prit dès lors le nom de Comte de Cruzilles en 1581.

En 1583. il fut évincé du gouvernement de la citadelle de Mâcon. En 1584, après la mort du duc d’Anjou, à l’arrivée de Navarre (futur Henri IV) le parti de ligue catholique gagna les masses populaires et devint tout puissant. Le pouvoir royal n’était plus obéi, et c’est pourtant le parti du roi qui choisit le comte, plus que celui des Huguenots.

Le comte entretient alors une troupe d’une cinquantaine d’hommes d’armes et leur suite, dont on dit qu’ils sont sans solde, recrutés d’étrangers, de gens sans aveu, impitoyables aux bourgeois et aux paysans. Ces soldats, dit-on, vont ça et là, prennent les poules, tuent icelles à coups d’arquebuse et contraignent tant les paysans qu’ils sont obligés de s’en aller en Bresse. Si la ligue n’avait pour subsister que sa part dans les courses, les exactions et les contributions imposées à la ville et aux villages voisins, le comte de Cruzilles n’avait pas, lui non plus, d’autres moyens pour entretenir sa troupe.

Dans cette lutte contre la ligue, les Huguenots se joignent au comte de Cruzilles après l’assassinat de Henri III par le moine Jacques Clément en 1589 et viennent camper à Tournus, ville dont les habitants ne tiennent pas pour la ligue et veulent se défendre de la tyrannie des moines.

De Beauffremont était sans cesse à combattre les gens de la ligue. Un soir revenant d’une “course” il surprit les ligueurs de Tournus qui assaillaient les royalistes entre Mâcon et Uchizy. Lui et sa troupe chargèrent avec tant d’impétuosité les ligueurs, qu’ils les mirent en déroute. La garnison de Tournus eut cinquante hommes tués, quarante cinq faits prisonniers avec leur chef, Monsieur De La Tour, et cinq officiers. Le reste, s’étant jeté dans les vignes, fut assassiné par les paysans. Quant aux royalistes, dont le nombre ne dépassait pas quatre-vingts hommes, il n’y eut, selon la chronique, qu’un seul tué et un seul blessé.

En 1589, la ligue s’empare du château de Cruzilles dont les défenseurs furent tous massacrés, sauf le comte qui s’était enfui, prévenu par son frère, qui était de la ligue. On peut donc imaginer la force des sentiments qui contribuait à séparer Tavannes et Beauffremont.

A ces maux, occasionnés par la guerre civile, viennent s’ajouter les ravages de la peste qui sévit avec une grande vigueur une partie de l’année 1587.(5) Seul un miracle pouvait faire revenir dans le giron de l’église ce peuple du haut mâconnais, dont la foi était encore plus vacillante qu’à l’habitude (rappelons nous la destruction par le feu de cinq églises de la région dont Bissy et le Mont Saint Romain un peu avant l’an MIL) (8) On fit donc faire ce miracle à Geneviève : sauver Tavannes, son défenseur d’alors, avec l’espoir que le petit peuple verrait là, un signe lui montrant le chemin du retour à la foi chrétienne. Qui en eut l’idée ? L’évêque de Mâcon ? possible, mais quel camouflet pour ses pairs, qui dans un concile tenu à Mâcon en 585, contestaient sa qualité de créature humaine à la femme. Penchons plutôt pour une manœuvre des moines, et, ceux de Tournus semblaient alors plus engagés (j’allais dire : plus enragés) dans la bataille que leurs collègues de Cluny. Quoi qu’il en fut, Tavannes fut si touché par la grâce, que sitôt l’abjuration de Henri IV, en 1593, il se rallia à sa cause, et, non content d’abandonner la ligue, il en devint l’un de ses adversaires les plus farouches.

Le passage de ses troupes dans la région laissa longtemps des souvenirs cuisants (viols, pillages) nous dit Meulien (5). C’est aussi lui, dont les troupes barraient la Saône, qui s’empara des trésors d’église que les bons pères avertis la veille du pillage de Mâcon par les Huguenots, s’empressaient d’aller mettre à l’abri chez les cordeliers de Lyon. Il donne à son épouse des ornements à fond d’or et d’argent, elle s’en fait faire une robe traînante qu’elle porte devant le Roy pendant son séjour à Maçon. Le père Emot, voyant passer les ornements de son église, se met à genoux à l’instant devant Madame de Tavannes, baisant cette robe avec respect. De Tavannes se crut insulté et donna un soufflet au cordelier devant le Roy. (4) Suivant Léonce Lex, dans sa notice historique de Lugny, Catherine de Chabot, dame de Lugny a épousé le 15 Janvier 1579, de Tavannes, baron de Sully et Igornay, gouverneur d’Auxonne, lieutenant du Roy, puis Maréchal de France. Sa petite fille Claire de Saulx était marquise et dame de Lugny, contesse de Brandon et Cruzilles, qui donna un dénombrement du comté de Cruzilles en 1673 (6) (post mortem, G de Beauffremont était définitivement KO).

II est difficile de croire qu’une sainte ait pu se fourvoyer à ce point en sauvant la vie d’un homme qui fit certainement plus de mal que de bien à l’église. Il est néanmoins impossible, d’ignorer la notoriété de Geneviève dans la région et les vertus attachées à l’eau de cette roche.

J’ai entendu raconter, souvent, par Emile Combier, mon beau-père, cette histoire d’un père, qui, dans les années 1914-1915 allait chaque jour, au pied de la roche, recueillir, goutte à goutte, une eau qui lui permit de sauver sa fille du croup (fille qui est toujours en vie ce jour…). Qui peut dire comment s’appellerait cette roche si Beauffremont avait été de la ligue ? On se pose moins de questions avec la légende de Ste Geneviève… de Brabant.. Alors ? On continue comme avant ?

Au fait, êtes vous nombreux, gens de Cruzille, à être montés au sommet de cette roche ou à l’avoir seulement contemplée depuis les arrières de Sagy ? ste-genevieve Bibliographie :

-* (1) Emile Magnien – Histoire de Mâcon et du Mâconnais 1992

-* (2) Le Robert

-* (3) Extrait des oeuvres de Voltaire

-* (4) Roger Jay – Les Mystères de Saône et Loire

-* (5) E. Meulien – Histoire de Toumus (M DCCC XCII)

-* (6) Léonce Lex – Notice historique de Lugny et hameaux (M DCCC XCII)

-* (7) Le Progrès du 07.05.1998

-* (8) Gabriel Jeanton

Copier un auteur, c’est du plagiat, en copier plusieurs…. c’est de la recherche ! disait…. l’autre (a)

Maurice POTIER

(a) j’ai oublié qui disait cela

TEMOIGNAGES

La petite fille miraculeusement guérie

« En 1914, à l’âge de 4 ans, je suis tombée très gravement malade. J’avais une broncho-pneumonie et le docteur disait qu’il ne pouvait plus rien pour moi. Il faut dire que les médicaments étaient rares à cette époque et la médecine n’avait pas les moyens qu’elle a aujourd’hui. Mon père s’est souvenu alors qu’une légende racontait qu’une petite source s’écoulait du rocher de Ste Geneviève et que son eau était miraculeuse. Il entreprit dont donc, en désespoir de cause, de faire l’ascension de la Roche pour retrouver cette source. Ce ne fut pas chose facile, car le chemin avait disparu sous les branches et les épines. Sa ténacité lui a cependant permis de retrouver la source, qui n’était en fait qu’un mince filet d’eau, et il en a rempli la petite bouteille qu’il avait emportée. Il l’a ensuite rapportée à la maison. Je n’ai bu de cette eau qu’une seule fois et… le lendemain, la fièvre était tombée alors que j’en avais depuis plus d’une semaine. J’ai ensuite redemandé à manger et mon état s’est alors amélioré petit à petit. Le docteur en a été très surpris, mais aucune explication ne lui a été donnée. Les médecins ne croyaient pas en autre chose qu’en leur science.”

Juliette CHAMBARD

Le pèlerinage à la source Sainte Geneviève

« Lorsque j’étais enfant, la centenaire du village racontait des histoires à mes sœurs plus âgées, notamment la légende attachée à la roche Sainte Geneviève ; les vieux prétendaient avoir vu l’empreinte du sabot du cheval du comte de Tavannes et affirmaient pouvoir la montrer. La statue mal scellée dans sa niche aurait été renversée par le meunier du moulin Meurier qui avait grimpé à la roche : elle s’est brisée en tombant, seule la tête a été récupérée et entreposée chez M. Guénebaud (actuelle maison de M. Guilloux). Elle pariait également du pèlerinage qui y avait lieu : on venait de fort loin, ” même de la Bresse”, pour recueillir l’eau – eau calcaire très claire – qui s’écoulait d’une fissure de la roche dans une petite niche. Les pèlerins déposaient une pièce au pied de la croix en partant. • Avec les garçons de mon âge, nous allions en champ et nous jouions près de la roche. Deux fois nous avons découvert des petites pièces jaunes sur le socle de la croix : il y avait une petite fente entre le socle et la croix qui faisait une urne, on les poussait dedans. D’autres garçons sans doute les récupéraient… Nous grimpions sur la roche pour essayer d’apercevoir la statue (la tradition orale rapporte qu’elle est plus grande que la première), moi je n’osais par trop me pencher au-dessus du rebord, mais Charles Signoret qui était aussi leste qu’un chat escaladait jusqu’à la niche. »

Lucien BONVILAIN

GENEVIEVE VIE ET LEGENDE

Lat. Genovefa ; ital. Genoveffa ; esp. Genaveva ; ail. Genovefa. Vierge. Morte v.500. Fête le 3 janvier ste-genevieve-musee-greuze L’évêque Germain d’Auxerre remarque la piété de Geneviève, âgée de sept ans, lors de son passage à Nanterre où elle naît. Sa mère est frappée de cécité pour avoir donné un soufflet à Geneviève. Celle-ci la guérit avec de l’eau qu’elle a bénie. Elle prend le voile des vierges à 15 ans. Saint-Germain la défend contre les calomnies. Geneviève fait construire la première basilique de Saint-Denis. Elle visite de nuit le chantier avec ses compagnes, quand le vent éteint le cierge qui éclairait le chemin du petit groupe. Geneviève prend le cierge, qui se rallume aussitôt, et sa flamme résiste à toutes les bourrasques. Lors de l’invasion d’Attila, elle empêche, non sans peine, les habitants de céder à la panique et de fuir. A sa mort, Clovis et Clotilde, en relations amicales avec elle, font élever une église sur sa tombe. D’abord dédiée à saint Pierre, elle prend bientôt le nom d’église Sainte-Geneviève. Geneviève est la patronne de Paris.

REPRESENTATIONS

Jusqu’au XIVe SIECLE, Geneviève est vêtue d’une robe de jeune fille noble, plus rarement de religieuse ; elle tient à la main un cierge qu’un démon essaie d’éteindre, mais qu’un ange dent allumé (Belles heures du duc de Berry. 1407-1408, New York, Cloisters).

Dans une autre scène, elle rend la vue à sa mère.

Un changement radical intervient à la fin du XVe siècle : Geneviève devient alors une jeune bergère entourée de moutons : sans doute l’a-t-on confondue avec Jeanne d’Arc enfant.

Cette métamorphose peut aussi être rapprochée de la Vierge pastourelle, réplique féminine du Bon Pasteur, qui ne semble pas apparaître avant le XVIIe siècle. Elle est assise, une houlette à la main, entourée de son troupeau, au milieu d’un cromlech (école de Fontainebleau, église Saint-Merry à Paris).

Hugo Van der Goes la montre avec un diable éteignant son cierge (XV° siècle. Vienne, Gemäldegalerie).

Au XIXe siècle. Puvis de Chavannes consacre un cycle à l’enfance de Geneviève (1874, Panthéon, ancienne église Sainte-Geneviève à Paris).

Attributs : Cierge. Livre. Houlette de bergère.

Renvois : Bon Pasteur. Germain d’Auxerre. Vierge pastourelle.

Bibl. : L. Beaumont-Maillet, J. Dubois, Sainte Geneviève de Paris, Paris, 1982. extrait de LA BIBLE ET SES SAINTS : GUIDE ICONOGRAPHIQUE de DUCHET-SUCHAUX et Michel PASTOUREAU 1996 Flammarion

Le phylloxéra, quel malheur !

Le phylloxera : ah quel malheur lorsqu’il apparu chez nos voisins de Mancey ! On peut penser que ce drame se déroula de la même façon à Cruzille et que les habitants le vécurent avec autant de douleur et de regret du temps passé où le vignoble était florissant.

Ce texte est extrait du « Dictionnaire du patois de Mancey » écrit vers 1905 par Charles Millot (né à MANCEY le 7 octobre 1841 et mort à BOURBON-LANCY le 4 septembre 1922) et relate comment a été vécue l’apparition du phylloxera dès 1875. Pourquoi un dictionnaire du patois ? C’est la chance de retrouver le fil ténu qui nous relie encore aux générations précédentes, grands-parents, arrières-grands-parents que certains d’entre nous ont entendu parler avec ce langage si plein d’humour et de bon sens.

La version originale en patois suit la traduction en français (mot à mot) réalisée par par Marc Perrin ci-dessous :

Mancey : Oh, ce n’est pas un gros lieu. C’est un petit bout de pays de rien du tout, où il n’y a pas seulement cent maisons, que personne ne connaissait passé deux lieues à la ronde avant qu’il n’y soit arrivé une affaire qui a bien fait du remue-ménage il y a une trentaine d’années, lorsque le phylloxera a tant fait parler de lui.

Et bien c’est dans mon pays, dans nos vignes de Mancey qu’il s’est fourré le premier! Droit dans la vigne de Benoît Colas en Boyaud. Ne voilà-t-il pas qu’un beau jour mon Benoît Colas vient dire au Maire : « Je ne sais pas ce qu’a ma vigne de Boyaud, je crois qu’il y est tombé un éclair, il y a des ceps qui sont crevés, il y en a tout autour des autres qui ne poussent quasi plus. Venez-y donc voir, vous me direz ce que vous en pensez. » Le maire y va avec l’instituteur; ils avaient vu dans une brochure que le Préfet leur avait envoyée, que le Phylloxera faisait dans les vignes des sortes de taches tout comme celles de la vigne à Benoît Colas. Cela en est peut-être bien ? se disent-ils. Ils regardent les racines avec une loupe, pardi c’en était ! Ils écrivirent au père Flochon, leur Conseiller Général et puis au Préfet. Oh à partir de ce moment on a bien connu Mancey. Il en est venu du monde ! Peut-être pas des ministres, mais tout de suite après, le Directeur de l’Agriculture, un Monsieur Tisserand pas plus fier que rien du tout, et puis le Préfet, puis le Président du Conseil Général, Monsieur Mathey, puis des députés, des sénateurs, des journalistes, et puis des Savants, les Messieurs
Thénard, Rommier, Ladrey, Balbiani et des délégués comme Monsieur Gastine qui avait l’air si gentil, avec Monsieur Catte qui avait la langue si bien pendue Et puis des ingénieurs : Monsieur Engel, Monsieur Muntz, et puis des étrangers, des curieux, des inventeurs qui avaient trouvés des remèdes tous meilleurs les uns que les autres, enfin je ne sais plus qui tant. Ah on les a piétinées nos vignes et pour ce que cela a servi. Il a fallu toutes les arracher. Oui ! celles de Leynes, aussi bien que celles de «sur Péroné », celles de Margny, tout comme celles des Crâs. Et après cela, çà a été la misère. Au lieu de sucer de bons coups dans les grands barils, que l’on mettait au frais au bout du rang, il a fallut boire
avec les grenouilles. Par exemple on pouvait vendre les pieux de bois, il y avait bien assez de vieux ceps pour faire du feu !
Il a bien fallu se mettre à labourer, ceux qui avaient épargné et qui avaient rangé « quatre sous » pendant les bonnes années, ont acheté des bœufs, les autres ont attelé leurs vaches. Pour vivre, il fallait bien semer du blé, de l’orge, du maïs, du sainfoin, de la luzerne, des fèves ou bien des vesces, mais tout cela ne fait guère d’argent. Les pauvres
vignerons qui ne trouvaient plus d’ouvrage ont été obligés de foutre le camp, d’aller se faire garçons de café, valets chez les Messieurs, manœuvres au chemin de fer, ou bien de chercher leur pain (mendier). Il n’y avait plus personne dans la moitié des maisons, si bien qu’il y en a éboulé plus de quatre. Il n’y est resté que ceux qui avaient un peu de propriété et qui n’ont pas voulu la laisser en friche. Mais comme ils ont misèré, ce n’est rien de le dire, il faut l’avoir vu !

Pour manger du pain et boire de l’eau, il fallait se lever « à la pique du jour » (à l’aube), panser les bœufs, labourer, herser, sarcler les pommes de terre, cueillir le maïs, en ramasser la paille pour la donner aux bêtes, effeuiller les «panouilles » (épi), les faire sécher dans le four, les égrener, les faire moudre pour faire de grandes marmites de
gaudes. Les enfants étaient obligés d’aller au champs plutôt que d’aller à l’école. Mais la plus grosse privation c’était de ne plus boire de vin où donc le temps, où l’on disait qu’au mois d’Octobre, il y avait plus de vin que d’eau à Mancey ?

Ah avant que ce sacré phylloxera vienne, c’était facile à cultiver les vignes: on prenait un morceau de sarment, on le mettait en terre, il poussait seul.

Travailler les vignes était un plaisir, au printemps les femmes «chotalaient » en ramassant des escargots aux pieds des ceps, pendant que leurs hommes taillaient.

Après cela pendant que l’homme plantait les échalas, les femmes ramassaient les sarments, elles faisaient de ces jolis petits fagots de sarments, qui sont si commodes pour allumer le feu et qui luisent si bien sous la poêle, pour faire cuire une omelette au lard. Après ça on commençait à « somarder » à grands coups de pioches à cornes, les bons ouvriers avaient toujours fini avant la St Georges, que les vignes verdoyaient d’un bout à l’autre. Après çà on binait, on tierçait avec la pioche plate. Aussitôt que ceci était fait, on allait faucher les prés: il n’y en a pas gros (des quantités) de prés à Mancey, mais ce sont de bons, il y pousse pas de joncs, ni de laiches, ni de « beurais »(1) , ni de prêles, mais de la centaurée, du petit trèfle, du serpolet, des salsifis des prés, du fromental, de la renoncule et quelques marguerites. Tout cela fait que les vaches ont du bon lait, qui fait du bon fromage blanc, du bon lait caillé, du petit lait pour engraisser les
cochons de lait, et aussi de la crème qui se tient debout et enfin du beurre qui sent la noisette.

Quand le foin est monté au fenil, il est presque temps de moissonner, les petites parcelles de blé qu’on a semé aux Balouges ou en Neçiot, dans les lieux où la vigne craint la gelée, et où on ne récolterait pas du bon vin. Mais tout de même on est encore bien content d’avoir un petit tas de blé sur son grenier, et puis un petit peu de paille pour faire la litière, seulement on a de la peine pour le ramasser, « je vous fous mon billet » qu’on mouille sa chemise, quand on est accroupi le nez dans la paille, et qu’on se pique les doigts avec les chardons ou bien les arrêt-boeufs ou les «diablotins»(2). Quand on a moissonné tout le jour, enjavelé, lié les gerbes, chargé le char, on est bien sûr d’avoir
« l’ac’eulère »(3) quand c’est nuit. On a pourtant fait la sieste à l’ombre d’un noyer, la tête sur une javelle, mais cela ne fait guère le compte, on est bien content d’aller se coucher. Mais ce n’est pas le tout de ranger la moisson, il faut la battre, ce n’est pas drôle d’être tout le jour dans une grange à taper sur l’aire à grands coups de fléau en avalant de la poussière qui vous fait tousser; mais du temps où on avait des vignes, ça ne durait pas longtemps.

Aussitôt qu’on commençait à voir le début de la vairaison on se préparait pour vendanger, on s’en allait relever les vignes en faisant des beaux « portails » en attachant deux ceps l’un avec l’autre pour que ce soit plus facile à circuler dans les rangs. Et on raccommodait les paniers et les hottes, on aiguisait les serpettes, on « décrayait »(4) les fûts, on remettait les cercles qui manquaient, on étuvait les pressoirs et les cuves et aussi les bennes; même qu’on misèrait assez les années de sécheresse quand les puits étaient taris, qu’il n’y avait plus d’eau ni en Montât, ni vers Gette, ni vers Cruzille, qu’il fallait en aller chercher avec des tonneaux sur des tombereaux jusqu’à la fontaine de Dulphey, et parfois jusqu’à la Doue. Mais lorsqu’il y avait assez de raisins, on s’en moquait bien. Aussitôt qu’il y en avait un qui avait
commencé (de vendanger) tout le monde trouvait les raisins assez murs, et voilà les brigands de vendangeurs qui partaient de tous les côtés, on ne voyait que de çà, sur Péronne, aux Crâs, aux Reconales, en Merjuru, partout où c’est le plus printanier. Il ne demeurait personne dans les maisons, tout le monde partait, aussi bien les vieux qui baissent le dos, que les petits malingres qui ne sont pas plus hauts que leurs paniers. Le plus fort de l’équipe porte la hotte, les bennes sont en rang au bout de la vigne, sur le côté du chemin, le porteur de la hotte y verse les raisins à pleine hotte, il les tasse sans faire attention aux guêpes qui lui piquent les mains qu’il a toutes rouges d’avoir broyé les grains de raisins. C’est aussi lui qui aider au bouvier à charger les bennes, cinq ou six sur la même charrette. Il ne faut pas être manchot pour hisser une grosse benne sur une charrette, les premiers coups de cornes de la benne vous font bien une raie bleue
sur la peau, de même que ceux qui charrient tout le jour et qui les portent au « pal »'(5) dans la cuve, ont bien l’épaule talée le soir.
Encore çà va bien lorsqu’il fait chaud, mais quand il pleut c’est là qu’on est pas à son aise. On piétine dans la boue. On a de la terre plein les sabots et au cul des paniers, qu’on ne peut plus traîner, mais tant pis, une fois qu’on a commencé, il faut bien continuer, on ne peut pas laisser aigrir (6) la cuve.

Remarque : Dans le patois de nos communes, et notamment à Mancey, le passé simple n’est jamais utilisé. On emploie le présent de l’indicatif, l’imparfait et le passé composé.

(1)Herbe de mauvaise qualité
(2) Grains vidés de la petite renoncule
(3)Fatigue que l’on ressent lorsque l’on a été trop longtemps « ac’eulé » accroupi
(4) Enlever la craie, le tartre déposé sur les parois des fûts
(5)Forte pièce de bois à l’aide de laquelle deux hommes transportent une benne
(6) A cette époque, la vinification traditionnelle voulait que l’apport des raisins dans la cuve fût journalier jusqu’à remplissage complet, sans cette précaution la cuvée risquait de produire du vin ayant tendance à aigrir.

Et voici la version en patois dont le maire était alors l’auteur. Ce texte a dû être écrit vers 1905 puisqu’il est fait allusion comme remontant à une trentaine d’années, à l’apparition du phylloxera qui eut lieu à Mancey en 1875 :

Mancy : Oh y est pas in greu endra, y est in chetit bout de pays de ren du tot queva y a pas seurement cent maijans, que neguin ne cougnaichait passé deux lieues la rande devant qu’in’y sait arrivé eune affâre qu’a bien fait du rebullement y a eune trentain-ne d’an-nées quand le phylloxera a tant fait parler de liune.

A bin y est dans man pays, dans neutés vignes de Mancy qu’o s’est fôrré le premé, drat dans la vigne à Benoit Colas en Bouyau. Via t’i pas qu’in biau jo man Benoit Colas vint dire au Mâre : « J’sais pas s’qu’a ma vigne de Bouyau, j’cra qu’y z’y a cheut eune élidôle, y a des chots qu’sant cravés, y en a tot au to des aut’ qué n’poussant causu ren. Venez y dan voir, vos d’direz ce que vos en pensez. » Le Mâre y va dave le maît’ d’écôle; i avint vu dans in ptiet livre que le préfet les y avait envié que le phylloxera fiait dans les vignes des espèces de taiches tot c’ment stines d’la vigne à Benoit Colas. Y en est p’tête bin qu’i s’aiant, i regardant les raceunes ave eune loupe, pardié y en était ! I crivant au père Flochon, leu canseiller général, a peû au Préfet. Oh de ce moment an a bin cougnu Mancy .Y en est veni du mande. P’tête pas t’t’à fait des ministres mâ, tot d’suite après le Directeur de l’Agriculture, in M. Tisserand pas pu fier que ren du tot, a peû le Préfet, a peû le Président du Conseil Général M.Mathey, a peû des députés, des sénateurs, des journalisses, a peû des savants les mossieux Thénard (1) , M.Romier, M.Ladrey (2) , M.Balbiani (3) , a peû des délégués c’ment M.Gastine (4) qu’avait l’ar si gentit ave M.Catta (5) qu’aviat la langue si bin pendue, a peû des ingénieurs, M.Engel (6) , M Muntz (7) a peû des étrangis, a peû des c’eurieux, a peû des inventeux qu’avint troué des remédes tos maillo les in qu’les aut, enfin j’sais pas quû tant. Ah an les a gaugi neutés vignes a peû pa s’qu’y a sarvi! Y a falu totes les arrégi, oue, sténes des Leynes assi bin que sténes de su Pareune, sténes de Margny tot c’ment sténes des Crâs. A peû après cen y a été la misare. Au lieu de chuchi des bans côs dans les grands batis qu’an mentait au frais au bout de la ranche y a falu boire ave les gornailles. Par exemplle an pouyait vendre les paus de beû, y avait bin prou de vieux chots pa fâre du fû .Y a dan falu se mentre à labourer, stés la qu’avint étaugi peû qu’avint rangi quat’sous padant les bonnes an-nées ant ageté des bûs, les aut’ ant applia leux vaiches, pa vivre i falait bin soner du blié, de l’ôrge, du treuquis, du sainfoin, de la lizarne, des fâves ou bin des vaches, mâ tot cen ne fa guère de sous. Les pauvres vignerans que ne trouint plieu d’ovrage ant été eubligis de fout’le camp, d’aler s’fâre garçans de café, valots chez les mossieux, manoeuvres au chemin de fé ou bin de charchi leur pain. I n’y avait plieu neguin dans la moitié des maijans si bin qu’y en a ébeuilli pu de quatre. I n’y a demoré que stés qu’avint in bout de beutin qu’in n’ant pas voulu laichi en tope. Mâ ce qu’i ant misaré y est ren d’y dire, faut y avoir vu!.

Pa miji du pain a peû boire de l’iau falait s’lever à la pique du jo, panser les bûs, labourer, harsi, saiclier les tapines, cudre le treuquis, ramasser la panechère pa la donner es bâtes, effeuilli les paneuilles, les fâre sachi dans le fo, les évougrer, les fâre môdre pa fâre des grandes marmites de plé. Les ptiets étant eubligis d’aler en champ puteut que d’aler à l’écôle. Mâ la pu greusse privatian y était d’ne plieu boire de vin. Queva dan le temps qu’an diait qu’au mois d’octobre y avait pu de vin que d’iau à Mancy ?

Ah! devant que ce sacré phylloxera vene y était cmeude à fâre des vignes: an prenait eun éc’eut d’sarment, an le foutait en tarre, o poussait tout sou. Traveilli les vignes était in pliaiji au printemps les fanes chotalint en ramassant des escargueuts au pid des chots padant que leux hommes sarpint; après cen padant que l’homme pliantait les paicheaux les fanes sarmentint; i fiint de ces braves ptiets fagueuts de sarment que sant si c’meudes pa enmegi le fû peû que luant si bin seu la casse pa fâre c’eure eune omoulette au lâ. Après cen an commachait à somarder à grands côs de plieuche à cornes, les bans ovrés avint tojo fini devant la Saint Geôrges que les vignes luyatant d’un bout qu’autre. Après ce an benait, an tierçait ave la plieuche pliate. Asseteut que cen était fait an alait sâ les prés; y en a pas greu des prés à Mancy mâ y est des bans.

Y z’y pousse point de jancs, ni de lauches, ni de beurais, ni de coues de rates mâ du chagnan, du ptiet triclet, du plieut, d’la cananeû, du frementeau, du pipou a peû quéques marguites, tot cen fa du ban foin cen fa que les vaiches ant du ban que fa du ban fremage blianc, du ban cailli, de la laitée pa engraichi les neurins, a peû de la crâme que s’tint debout, a peû du beurre que sent la neuzille Quand le foin est manté au foinné y est causu temps de machonner les ptiets bouts de blié qu’an a sonés es Balouges ou en Neciot, dans les endras geva la vigne crint la geleé peû qu’y n’farait pas du ban vin. Mâ tot de moinme an est encore bin cantent d’avoi in ptiet mouyau de blié su san gueurné a peû eune secca de peille pa fâre la letire. Seurement an a d’la poin-ne pa y ramasser, je vos fout man billet qu’an mouille sa chelige quand an est acbi le nez dans la peille a peû qu’an s’pique les das après les chardans ou bin les rerebeus ou les diablieutins. Quand an a machonné tot le jo, enjevalé, lâ les gearbes, chargi le chai an est bin seur d’avoi l’ac’eulére quand y est né. An a partant dremi d’au méde à l’ambre d’in noué, la tête su eune jevale mâ cen ne fa guère le camte, an est bin cantent d’s’aler couchi. Mâ y est pas le tot de rangi la machan i faut l’écôre, n’y est pas dreule d’être tot le jo dans eune grange à taper su l’airée à grands côs d’écoussou en évalant d’la poussière que vos fâ teussi; mâ du temps qu’an avait des vignes cen n’deurait pas langtemps.

Asseteut qu’an commachait à voi d’la greme vâre an s’préparait pa vendengi an s’en alait relever les vignes, an fiait des braves porteaux en trenant deux chots l’in dave l’autre pa qu’y sait pu cmeude à passer dans les ranchs a peû an racmeudait les panés, peû les heuttes, an aigujait les gouettes, an décrayait les pansans, an rementait les saclles que manquint, an écuait les pressois peû les cûes peû les banes. Moin-mement qu’an trapissait prou les années années sentie quand les pouits étint téris, qu’i n’y avait plieu d’iau ni en Mantâ, ni vé Gete, ni vé Cruzille, qu’i falait en aler charchi ave des tonnes su des tambriaux jeusqu’à la fantain-ne de Drefy peû des fois jeusqu’à la Doue! Mâ quand y avait prou de raijins an s’en foutait bin, asseteut qu’y en avait in qu’avait coumachi tot le mande y trouait prou meu peû vla les brigades de vendengeoux que partint d’tos les côtés, an n’viait qu’de cen su Pareune, es Crâs, es Raconnales, en Merjuru, partot queva y est le pu printanié. I ne demorait neguin dans les maijans, tot le mande partait assi bin les vieux que baichant le deû que les chetits rachets que sant pas pu hauts que leu pané. Le pu feû de la brigade porte l’heutte, les banes sant en ranche au bout d’la vigne dans la cotain-ne du chemin, l’heutté y varse les raijins à plieine heutte, o les frâ sans fâre attention es grandes que li piquant les mains qu’ol a tote roges d’avoi brâ les gremes de raijins Y est ato liune qu’aide au boué à chargi les râs, cinq ou chi su la moinme charatte. Faut pas être minchot pa chodre in ban râ su eune charatte.
Les pemés côs la corne d’la bane vos fâ bin eune rae blieue su la piau, de moinme que stés qu’en voiturant tot le jo que portant au pau dans la cûe ant bin l’épaule talée le sa. Encore cen va bien quand i fa chaud mâ quand i pliot y est itié qu’an est pas à san âge! An gauge dans la corbe an a d’la tarre plien ses sabeuts a peû au cu des panes qu’an ne peut plieu train-ner, mâ tant pire, eune fois qu’an a commanchi i faut bin cantinuer an ne peut pas laichi agri la cûe.

(1)Baron Thénard. membre de l’Académie des sciences.
(2) Ladrey. professeur de chimie à Dijon,
(3) Balbiani, professeur d’histoire naturelle à Paris.
(4) Gastine, délégué régional pour le phylloxera. à Marseille.
(5) Catta. délégué régional pour le phylloxéra, à Narbonne.
(6) Engel. ingénieur à Bâle (Suisse).
(7)Muntz, Directeur du laboratoire de l’institut agronomique.

A la recherche du passé cruzillois : la préhistoire

LES GRANDES PERIODES DE LA PREHISTOIRE

synoptique

La Préhistoire est une période longue qui s’étend sur plusieurs millions d’années. C’est au cours de cette période que l’homme apparaît en Afrique il y a environ 3 millions d ‘années. Les dinosaures avaient alors disparu depuis bien longtemps.
Ce que nous en savons, nous le devons au travail des archéologues qui retracent l’évolution de l’homme et de son environnement grâce à des fouilles.

La préhistoire se divise en 3 grandes périodes :

  • Le Paléolithique
  • Le Mésolithique
  • Le Néolithique.

Le Paléolithique de – 900 000 à – 9 500 avant J.C.

1ère période de la préhistoire, la plus longue, elle commence avec l’apparition de l’homme. C’est l’âge de la « pierre taillée ». 
Le paléolithique comprend 3 périodes :

  • le paléolithique inférieur, de – 900 000 à – 250 000 avant J.C.
  • le paléolithique moyen, de – 250 000 à – 35 000 avant J.C.
  • le paléolithique supérieur de – 35 000 à – 9 500 avant J.C.

Pendant tout le paléolithique, l’espèce humaine s’est transformée : elle est passée de l’australopithèque à l’homo sapiens, l’homme moderne.
Cette transformation a pris différentes formes :

  • biologique : d’homo habilis à homo sapiens ;
  • technologique avec l’utilisation d’outils d’abord simples comme le chopper (outil en pierre taillée aussi appelé galets aménagés) pour aboutir aux microlithes (cristal microscopique, souvent en forme de bâtonnet) ;
  • sociale car l’homme apprend à vivre en société, avec ses semblables ;
  • psychologique avec la prise en compte progressive des défunts, ce qui implique l’existence d’une conception du monde.

Vestiges de cette période en Saône et Loire :

Le seul véritable habitat connu à ce jour est la grotte de Rizerolles à Azé. On y a retrouvé des galets aménagés et des microlithes. Les hommes préhistoriques d’Azé vivaient il y a environ 350 000 ans. Ils ne connaissaient semble-t-il pas encore le feu.
Les seuls restes humains du paléolithique moyen trouvés dans notre département (quelques dents et des phalanges) proviennent de 2 petites grottes de Vergisson, la roche jumelle de Solutré.
Le paléolithique supérieur est particulièrement bien représenté à Solutré ainsi que dans la vallée des Vaux près de Chalon sur Saône où l’on connaît un lieu de chasse rappelant celui fouillé au pied de la roche de Solutré.

Le Mésolithique de – 9 500 à – 5 500 avant J.C.

C’est une période charnière entre le paléolithique et le néolithique, dans laquelle se produit un changement climatique entrainant l’adaptation concomitante de la faune et de la flore.
L’homme uniquement cueilleur et prédateur commence peu à peu à devenir chasseur, pêcheur ou cultivateur.
La navigation en mer ou en rivières ne fait de doute ( découverte de pirogues , de cannes pour la pêche à la ligne, hameçons en os et harpons datant de cette période).
On divise le mésolithique en 2 périodes :

  • De – 9 500 à – 8 000 : période tempérée avec croissance de forêts. Le mammouth disparaît et le renne émigre vers des terres plus froides ; en contrepartie s’installent des sangliers et des cerfs. En bref, la faune froide se raréfie tandis que la faune tempérée se multiplie.L’art pariétal (peintures et gravures exécutées sur des parois rocheuses) disparaît peu à peu. Les objets en pierre sont plus fins, plus ou moins polis, et parfois peints de figures géométriques simples. L’arc apparaît et remplace le propulseur.
  • De – 8 000 à – 5 500 : diversification de l’outillage.

Vestiges de cette période en Saône et Loire :

Le GRAT (Groupe de Recherche Archéologique de Tournus) signale que des armatures microlithiques ont été retrouvées en grand nombre le long de la Saône et de la Seille et que des traces d’occupation ont été mises en évidence dans l’épaisseur des dunes de sable de Sermoyer mais aussi à Simandre et Lacrost.” 

Le Néolithique de – 5 500 à – 2 300 avant J.C.

Nous passons à l’âge de la « pierre polie ».
Le néolithique marque un tournant décisif. Il a toujours été associé aux origines de l’agriculture et à la sédentarisation des peuples, celle-ci découlant le plus souvent de la première. L’utilisation de la poterie (que l’abandon du nomadisme a permis), et celle des outils en pierre polie en sont les traits caractéristiques.

Le premier foyer du néolithique, fut le Proche-Orient, c’est à dire essentiellement la zone du « Croissant fertile » (région qui s’étend depuis la Turquie du sud-est jusqu’au nord de l’Irak et le long de la Méditerranée). Plus on s’éloigne de cette région, plus l’installation du Néolithique est récente. Le deuxième foyer progresse le long du Danube et touche l’est de la France 5 siècles plus tard.

Le Néolithique connaît une mutation radicale des modes de subsistance. Jusqu’alors prédateur, l’homme devient producteur en cultivant la terre et élevant des animaux (mouton, chèvre, porc, bœuf). De nouvelles techniques apparaissent : polissage des roches dures, tissage de fibres végétales ou animales, poterie. Des villages regroupent quelques maisons de sédentaires. La fin de la période voit la circulation des premiers objets métalliques en or et en cuivre.

Vestiges de cette période en Saône et Loire :

Le GRAT signale que La Saône et Loire compte des sites néolithiques importants comme ceux de Chassey-le-camp ou d’Ouroux. On y trouve aussi de nombreux menhirs dont certains portent des gravures renvoyant à la Bretagne et au Midi de la France ainsi que quelques dolmens qui ont abrité des sépultures collectives. Des menhirs ont été érigés à Nobles, près de Brancion et dans la plaine de la Saône à Boyer. Malgré les nombreuses recherches réalisées par Le GRAT, aucune sépulture néolithique n’a pu être détectée à ce jour.

L’invention de l’écriture en Mésopotamie qui va permettre la transmission des connaissances vers 2 500 ans avant J.C , marque la fin de la Préhistoire et le début de l’Histoire.

Nous venons de voir que la Saône et Loire porte des traces de cette période, y compris le territoire du futur Cruzille comme nous le verrons par la suite.

Cruzille préhistorique ou protohistorique

Cruzille préhistorique ou protohistorique

L’inventaire du SRA (Service Régional d’Archéologie) recense à Cruzille des vestiges des différentes époques :

  •  Paléolithique à la Roche Sainte Geneviève, Vignes du Maynes, Sagy le Bas (silex, pierres),
  •  Néolithique à « La verchère » , Sagy le Bas et à Collonges (pierres ),
  •  Age du Bronze à Collonges,
  •  Age du Fer à Fragnes : restes de remparts, céramiques et matériel lithique (pierres).

Station Paléolithique de Sagy , lieu-dit Chez Libet ( ou Quart-Martin ), découverte en 1954
Étude réalisée en 1956 par Maurice Bonnefoy et Henri Parriat

Depuis près de 2 siècles sont observées, sur notre commune des découvertes d’objets remontant à la Préhistoire paléolithique ou néolithique. Parmi les études réalisées, au cours du XX° siècle, on trouve notamment celles de deux personnalités importantes de l’archéologie, dans notre région. En 1956, Maurice Bonnefoy et Henri Parriat ont fait paraître, une étude relative à deux stations paléolithiques découvertes en 1954 : l’une à Sagy et l’autre sur la Montagne Sainte Geneviève (appellation utilisée par les auteurs à l’époque), étude fournie de nombreux dessins et quelques photos.
Les deux chercheurs expliquent que le hameau de Sagy est situé au fond d’une dépression creusée dans les marnes de l’Oxfordien (1), dominé à l’ouest par le Mont St Romain, et fermée à l’est par une ligne de hauteurs en calcaires durs du Corallien (roches sédimentaires provenant de la mer présente ici il y a 170 millions d’années). Le ruisseau de Sagy, l’Ail, a ouvert dans cette barre rocheuse une cluse étroite pour s’élancer vers la plaine de La Saône. La Roche Sainte-Geneviève est un ensemble de débris de cette falaise corallienne dont le promontoire continue à dominer la cuvette de Sagy.

roche-ste-genevieve

À l’époque de l’étude, déjà, il était difficile d’estimer l’étendue de ces stations car la vallée était largement occupée par des prairies, c’est dans les vignes et les champs fraîchement labourés situés rive gauche de l’Ail qu’ ont été trouvées les pièces les plus intéressantes, au lieu-dit « Chez Libet ». Ils ajoutent que dès qu’on s’éloignait au Nord les trouvailles devenaient rares, ce qui les amenait à penser que le centre de la station devait être peu éloigné du ruisseau, l’habitat s’étendant sur tout le fond du vallon, d’autant plus que le site était bien alimenté en eau par le ruisseau et sa source, et assez protégé des vents d’ouest par le St Romain et de ceux du nord par les hauteurs de Cruzille .

Dans ce site il a été récolté un important matériel lithique (dont le matériau est la pierre) composé de très nombreux silex dont la plupart sont de simples éclats de débitage, et un petit nombre de véritables outils ou instruments élaborés. Le silex, dont sont constituées les pièces, de couleur brune ou légèrement bleutée, est d’excellente qualité, d’ un grain fin et doit provenir des nappes éluviales (2) d’argiles et de sables, du Crétacé (3) qu’on trouve en Mâconnais, notamment entre Lugny et Saint-Maurice-de -Satonnay.

Ces silex dont l’épaisseur du cacholong (4) dépasse parfois 2mm, de couleur crème à la surface, sont tous fortement patinés . Il y a parmi eux plusieurs Nucleus (blocs de pierres débités pour produire des éclats ou des lames ) qui sont intéressants car ils renseignent sur les techniques de débitage ; les auteurs remarquent que les plus volumineux ont été débités sans méthode, alors que les plus petits présentent un plan de frappe très net obtenu par une seule frappe. Selon eux, parmi ces nucleus, il n’y en a pas qui aient été aménagés en outils tels grattoirs carénés, rabots comme on en observe à l’Aurignacien (5). L’outillage observé consiste en pointes, racloirs, alésoirs, et lames retouchées ou non.
Une longue liste de tous les silex remarquables récoltés est alors dressée accompagnée de descriptions :
limace

  • des pointes moustériennes (5) ( l’un des 3 principaux outils, avec le racloir et le biface, identifiés dans la longue période moustérienne ),
  • une « limace » ( arme ? ) ainsi nommée par les auteurs, pièce N°7, décrite comme très belle, mesurant 9,3 cm de longueur et 4,4 cm de large, et accompagnée d’une photo,
  • des grattoirs en grand nombre, d’assez belle facture,
  • quelques alésoirs (outils pour forer et polir des trous),
  • une dizaine de lames (outils pour couper).

La description s’achève en disant que le matériel semble assez homogène, et typiquement moustérien (5) pour beaucoup, même si quelques uns semblent annoncer l’Aurignacien (5) , voire le Périgordien (5), remarquant l’absence totale de burins. Les propos sont tempérés par l’espoir que des études plus approfondies, et systématiques, soient menées et permettent d’affiner ces conclusions et voire les modifier.

Station paléolithique du plateau de Sainte-Geneviève
Etude réalisée entre 1954 et 1956

Les auteurs, à la fin de leur étude sur la précédente station observent un autre emplacement, voici le résumé de leurs propos :

silex-ste-genevieve L’accès n’en est pas facile du fait que le plateau est entièrement boisé. Les pentes supérieures étant elles en friches, apparaissent un peu plus favorables à la prospection ; ainsi partout où le sol est à nu, suite au ravinement ou à l’action des animaux, on trouve des silex. Sur la Roche Sainte-Geneviève, au bord de l’escarpement, les trouvailles sont plus nombreuses, ce qui laisse penser que c’est là que se trouvait le centre de la station, même si ces lieux ont livré assez peu d’instruments en silex, et souvent fortement « cacholonnés » (4) : un grattoir à dos relevé comparable à ceux trouvés à Sagy, une lame épaisse prismatique, un petit racloir sur lame et une pointe foliacée retouchée sur ses deux faces, d’un assez beau travail. Il est impossible de dater cette station du fait de cette trop petite récolte, même si la pointe, aux touches plates et parallèles, évoque plutôt la facture solutréenne (5).

Les auteurs espèrent que d’autres explorations auront lieu car ils pressentent une station importante.

L’ensemble de l’étude est illustrée d’un grand nombre de planches de dessins des diverses pièces par M. Bonnefoy et H. Parriat. Viennent ensuite reproduites des notes d’Henri Parriat relatives aux pièces découvertes et aux conclusions.

Complément récent à cette étude par Maurice Bonnefoy (2001)

Station du Quart-Martin : « Cette station que j’ai découverte le 1er septembre 1954 se trouve aujourd’hui (2001) enserrée au milieu de constructions récentes, un peu au nord du ruisseau l’Ail qui prend sa source au hameau de Sagy-le-Haut.
Les silex recueillis en surface, dans un terrain en labour étaient au nombre de 202, actuellement conservés au Musée des grottes d’Azé…
…À noter que 5 outils dessinés par Henri Parriat sont manquants : l’ensemble de ce matériel avait, à une certaine époque, été déposé à l’Écomusée du Château de la Verrerie au Creusot, par René Desbrosse. La conservation très aléatoire de cette « réserve » ayant entraîné sa suppression, ce matériel fut confié à l’association des grottes d’Azé mais certains objets furent dispersés ou égarés. »

Station de la Roche Sainte-Geneviève : « Cette station fut découverte en septembre 1954, et les silex recueillis en surface parmi les zones dénudées du sol entièrement recouvert de buis à l’époque. » 
On pourra retrouver avantageusement, le texte dans son intégralité dans la revue Physiophile N°158 de juin 2013

Notes
(1) « Oxfordien  » : période de l’échelle du temps géologique appartenant au Jurassique, de -203 Millions d’Années (Ma) à -140 Ma (cf G.S. Odin).
(2) «  Éluvial » : relatif aux éluvions, à ce qui reste en place d’une roche après sa désagrégation.
(3)Le « Crétacé » est une autre période de l’échelle du temps géologique qui s’étend de -145 à -65 Ma environ. Elle se termine avec la disparition des dinosaures et de nombreuses autres formes de vie. Cette période est la troisième et dernière de l’ère « Mésozoïque » ; elle suit le « Jurassique » et précède le « Paléogène ».
(4) « Cacholong » : terme mongol désignant la matière opaque, blanc mat, ressemblant à de la porcelaine, formant la bordure de certains silex, d’où l’expression « fortement cacholonnés » utilisée par M. Bonnefoy et H. Parriat pour indiquer une forte épaisseur de cacholong.
(5)Les cultures du paléolithique supérieur sont classées en faciès d’époques différentes : le « Moustérien » correspond à l’industrie lithique comprise entre 300 000 ans (ou 200 000 ans) et 30 000 ans avant notre ère.
L’ «  Aurignacien » est un faciès industriel du début du Paléolithique supérieur ( -40 000 ans à -25 000 ), caractérisé par son industrie osseuse et lithique ; il semble correspondre à l’arrivée des hommes anatomiquement modernes. Le « Périgordien » est une culture reconnue par certains à l’intérieur de l’Aurignacien ou post-aurignacienne. Viennent ensuite le « Solutréen  » de -22 000 à -18 500, reconnu bien sûr dans nos régions, puis, marquant la fin du Paléolithique supérieur le «  Magdalénien », vers -17 000 à -10 000
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A la recherche du passé cruzillois : l’antiquité

LES GRANDES PERIODES DE L’HISTOIRE
 L’Antiquité

Suite à la préhistoire, vient la période de l’Antiquité qui débute avec l’apparition de l’écriture aux environs du milieu du IIIème siècle avant J.C. et prend fin à la chute de Rome à la fin du Vème siècle (476).
De nombreux vestiges de cette époque sont présents en Saône et Loire, entre autre à Autun, Bibracte.

Bibracte : Située sur le sommet du Mont Beuvray, Bibracte fut fondée à la fin du IIème siècle par les éduens, peuple gaulois qui y installa pour un siècle sa capitale. C’est aussi un lieu de mémoire, où Jules César s’installa après sa victoire à Alésia pour mettre la dernière main à ses Commentaires sur la guerre des Gaules. Bibracte est aujourd’hui un lieu unique en Europe : un site naturel et historique d’exception, labellisé grand site de France, un centre de recherche européen et un musée archéologique.

Autun : Née de la volonté de l’empereur Auguste, pour remplacer Bibracte, il lui donna son nom, Augustodunum. La ville conserve de nombreux vestiges de l’antiquité romaine : théâtre, portes, remparts….Solitaire sur la plaine, bien à la sortie de la ville d’Autun, au-delà des remparts gallo-romains toujours debout, se dresse le Temple de Janus. C’est un des précieux vestiges de la puissante Augustodunum, surnommée « sœur et émule de Rome ».

Cruzille gallo-romaine

Dans l’inventaire des sites archéologiques de Cruzille on trouve mention de 3 lieux : « Aux grands Prés » un pont gallo -romain, à la Verchère où ont été retrouvés des tuiles ou fragments de tuiles romaines (taegulae ) et enfin au « Champ de Bray » où sont présentes des traces de bâtiment de cette époque.
 
piece-romaine-1piece-romaine-2Un certain nombre de Cruzillois ont trouvé également des monnaies de la période gallo-romaine, monnaies qui ont circulé bien sûr dans toute la Gaule-Romaine, voire l’empire romain.
Dans les Annales de l’Académie de Mâcon de 1932, numérisées maintenant, on trouve cette mention d’une occupation pré-romaine, au bas d’une page.
« Mr Daclin est remercié de sa communication ; puis M. Jeanton membre titulaire, à propos de l’oppidum de Gergovie, signale que dans le plan cadastral de la région mâconnaise, figure sous le nom de Verdun , du côté du Mont St Romain, sur la commune de Cruzilles, un emplacement de l’occupation pré-romaine. Notre associé, M. Mazenod, a fait des recherches sur le plateau et constaté des murs formés de blocs de grès. On va essayer de pratiquer des fouilles. A cet effet, l’Académie vote une somme de 100 francs, qui pourra être portée à 300 francs si l’entreprise accuse un réel intérêt… »
En 1934 , dans les comptes-rendus de l’Académie, on retrouve une petite mention de ces fouilles, paradoxalement pas les résultats, mais juste la proposition de Mr Mazenod d’utiliser le reliquat pour fouiller à Chardonnay …Doit-on en déduire que rien n’avait été trouvé ?

 

Cruzille : une voie romaine ?

A partir de Lyon, de nombreux axes routiers construits au temps d’Auguste et d’Agrippa au premier siècle mettent en relation la nouvelle capitale des Gaules avec les grandes cités de l’Empire romain. Ces grandes routes impériales relèvent de l’Etat romain (voies militaires et voies postales).
L’un des axes majeurs – la Via Agrippa – remonte le val de Saône jusqu’à Chalon où il se divise en deux branches : l’une vers Boulogne par Autun et Auxerre, l’autre vers Trèves par Langres et Toul.
Rapidement, est apparue la nécessité de créer d’autres voies secondaires entre Lyon et Autun, peut-être pour contourner les crues fréquentes de la Saône mais surtout pour en raccourcir le trajet (le tracé utilisera fréquemment des pistes gauloises préexistantes). Intérêt corollaire : les romains peuvent ainsi coloniser le pays entre la Saône et la Loire.
Ainsi, entre le premier et le cinquième siècle, trois grandes voies romaines parcouraient la région :
  • de Lyon à Autun par le col des Écharmeaux, Charolles et Toulon sur Arroux
  • de Mâcon à Autun par Clessé, Saint Gengoux le National et Cersot. La distance était de 80 kilomètre alors que par Tournus et Chalon il fallait en compter 102.
  • de Belleville à Autun par Tramayes et la vallée de la Grosne jusqu’à Saint Gengoux le National où elle rejoignait la voie de Mâcon à Autun avec laquelle elle se confondait.
C’est la voie de Mâcon à Autun qui nous intéresse plus particulièrement. C’est aussi celle qui laisse les vestiges apparents les plus nombreux de sa construction typiquement antique avec des levées empierrées.
 
Le comte de Leusse en a étudié les traces encore visibles en 1922 et a pu en déterminer le parcours entre Mâcon et Saint Gengoux le National :
 
Elle passait à Flacé, Chazoux, Hurigny et se dirigeait vers Laizé. Puis elle traversait la Mouge sur le vieux pont romain dit “pont Taulin”. Elle se dirigeait ensuite plein nord entre Saint Maurice de Satonnay et Clessé jusqu’ à un virage à angle droit sur la gauche en direction du Carruge, hameau de Péronne (le tracé en est attesté sur la carte IGN 30280 Mâcon, elle a pris ici le nom de “via Brunichildis ou voie Brunehaut“. Très apparente encore au lieu-dit “les Justices” où ses pavés sont intacts). Un peu plus au nord, on traversait le hameau de Saint Pierre de Lanques et par le lieu-dit “Le Fournet” elle aboutissait près de Boye (la voie coupait la route actuelle de Saint Gengoux de Scissé à Bissy la Mâconnaise au lieu-dit “En Pannonceau”). La voie latine remontait ensuite à flanc de coteau vers Charcuble où elle franchissait la crête de la montagne. Par le bois de Saint Romain, elle rejoignait Prayes puis Lancharre à travers la forêt de Chapaize. Pour rejoindre Saint Gengoux le National, elle franchissait la Grosne au Pont d’Epinay après avoir traversé le village de Colombier sous Uxelles.
Une variante fut utilisée par la suite, sans doute afin d’éviter le tracé dans la forêt de Chapaize jugé trop dangereux. Elle passait par Lys, la Bergerie (où l’on a retrouvé les traces de son pavage) pour suivre la vallée de la Grosne et la traverser à Messeugne.
 
Peu d’écrits évoquent le passage de cette voie romaine sur la commune de Cruzille.
Dans plusieurs textes, notamment “Statistiques du département de Saône et Loire “ publié en 1838 par le Conseil Général et certains “Annuaires du département de Saône et Loire“ on ne note que cette remarque succincte « voie romaine » sans plus de précision.
On aurait pu imaginer que cette fameuse voie passait donc très près de Fragnes, mais la liste des vestiges gallo-romains tangibles entre Charcuble et Prayes pourrait nous imposer un trajet quasi rectiligne surplombant le talweg à l’ouest :
  • à Charcuble, près de l’actuelle chapelle, vestiges bien conservés d’une voie romaine qui paraît avoir eu sa direction sur Saint Gengoux le Royal.
  • de loin en loin, de nombreux murs, empierrements en hérisson, fossés dans le bois de Saint Romain.
  • des passages de la voie romaine aux lieux-dits ”la Grand Baume” puis ”les Elys” ; et plus en aval pour franchir le bief de Fragnes.
  • des traces d’habitat à ”la Grand Baume” ainsi que des vestiges évoquant une tuilerie.
  • “En Notureau” (aux ”Hauts Theurots”), un écart ruiné en aval de ces lieux-dits, où l’on a retrouvé des tuiles romaines à rebord et des restes de construction : ”la Tour des Quatre Boeufs” dénommé ainsi parce qu’on y tenait en permanence quatre bœufs frais pour aider à la montée en direction du col de la Pistole. Ce lieu prit ensuite le nom de ”Tour des Bois”.
  • un peu à l’écart, près du sommet du Mont Saint Romain, on peut encore voir les ruines d’un temple gallo-romain.
  • un terrain emblématique près de Fragnes, terrain plat en ces lieux accidentés, autrefois entouré de gros murs et dénommé ”sur Chatillon”.
 
Le tracé suivi par cette voie romaine se situerait donc entre les chemins de ronde bas et du milieu de la forêt domaniale et traverserait la partie de forêt communale de Cruzille ”bois du Buisson Berger” :
voie-romaineCependant, ce tracé imprécis en l’état de nos connaissances comporte des portions de voie assez pentues qu’il était nécessaire d’éviter pour certains transports. Peut-être en empruntant un des très nombreux sentiers gaulois qui subsistaient : on peut donc aussi imaginer d’autres itinéraires, y compris passant sur le territoire de Cruzille en direction de Brancion (des pavages étaient visibles il y a encore quelques années sur le chemin du Mont près du col de la Pistole – actuel GR- avant qu’ils ne soient recouverts de “cran” en raison de passages nombreux de marcheurs et engins motorisés.).Ce même chemin sera emprunté quelques siècles plus tard par les pèlerins de Compostelle venant de Langres et par les moines de Cluny se rendant dans leur doyenné de Beaumont sur Grosne.
 
Bibliographie :
– le Mâconnais gallo-romain par Gabriel Jeanton
– La riche histoire de Saint Gengoux de Scissé par Marguerite Maurice 1984
– La voie d’origine antique de Mâcon et de Tournus à Autun par Alain Dessertenne et S.H.N.C.
– La voie romaine de Mâcon à Saint Gengoux le Royal par Henry Desvignes 1961
– Dictionnaire géographique par Chavot
– Annuaires de Saône et Loire, 1843 et 1856
– Statistiques du département de Saône et Loire par Camille Ragut, 1838
 
Entretiens avec :
– M. Roger Perraud (Prayes), retraité de l’ONF
– M. Jean Duriaud (SAAST)
– Mme Noëlle Proutry (association Bissy d’hier et d’aujourd’hui)

A la recherche du passé cruzillois : le moyen-âge

Le Moyen Age

Le Moyen-Âge débute à la chute de l’Empire Romain à la fin du Vème siècle et finit lors de la prise de Grenade par les catholiques sur les musulmans et la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492.
Sans être encore un département, la Saône-et-Loire avait déjà un rôle important en tant que carrefour entre le sud et le nord du Royaume de France. Elle rassemblait des zones géographiques très originales, points de passage obligés entre le nord et le sud, qui bénéficiaient en outre de richesses naturelles ; de ce fait, elles ont été peuplées très tôt mais aussi convoitées par les envahisseurs (déferlent successivement les Vandales en 204, les Huns en 451, les Burgondes et les Francs. Vers 730, les Sarrazins brûlent Mâcon et Chalon-sur-Saône. Puis les Normands en 852 et les Hongrois en 900).
Au Moyen Âge, de grands barons se partageaient le territoire, comme ceux de Brancion qui dominèrent pendant plusieurs siècles la majeure partie de la Saône-et-Loire, les comtes de Chalon-sur-Saône ou ceux du Charollais. L’art roman est bien représenté dans toute la Saône-et-Loire et notamment par les nombreuses églises romanes du Charolais et bien sûr, l’abbaye de Cluny qui, au Moyen Âge, étendait son ordre sur toute l’Europe.

Cruzille médiévale

Ce sont au moins sept sites qui ont été recensés de cette période médiévale :
« En Beaumont » des sépultures surtout , à la Verchère des restes de Bâtiments et bien sûr au Bourg la partie ancestrale du château et d’autres que nous allons développer.

Cruzille burgonde
Sagy-le-bas

Juillet 2005, Gilles Charpy-Puget, alors qu’il a entrepris près de sa maison familiale, les fondations d’un garage, observe une structure curieuse. Bernard Moine qui travaille avec lui, d’un coup de tractopelle, a soulevé une grande dalle qui a fait apparaître une fosse maçonnée, en pierre sèche, d’environ 2m sur 1m, fermée initialement par trois dalles plates. Le premier objet qu’il aperçoit dans cette fosse est une pelle métallique rouillée, type pelle à charbon. Il décide alors d’arrêter ses travaux et prévient le responsable du GRAT (Groupe de Recherche Archéologique de Tournus).
À leur arrivée, les membres du GRAT sont surpris par la taille de la fosse ce qui rend caduque l’hypothèse d’une simple sépulture et des investigations sont bien sûr, immédiatement engagées.
chantier-fouilles-sagy

De la terre noirâtre semble provenir d’un orifice au sommet du muret , laissant penser à un puisard pour capter les eaux usées de la maison. Après évacuation des gravats et des pierres, dans les sédiments, ils trouvent des éléments relativement récents charbons de bois, fragments de verres à vitre, de poteries vernissées, de tuiles modernes.
En raclant délicatement dans la fosse très exiguë, ils retrouvent le même genre de vestiges que précédemment mais aussi un fragment osseux crânien humain et une partie de mâchoire d’un sujet de petite taille. 
Dès l’instant de ces découvertes, les décapages deviennent plus délicats, la truelle remplaçant la raclette afin de pouvoir laisser les objets mis au jour en place. D’autres ossements humains apparaissent mais très dispersés, loin de l’ordre anatomique. Des relevés très précis sont établis, donnant ensuite base à un premier bilan : la tombe présente un aspect monumental ; son axe principal est orienté est-ouest. La construction a été extrêmement soignée et les dalles choisies avec soin pour fermer hermétiquement l’ensemble (les dalles pèsent plus de 500kg à elles trois).
Après un certain nombre de réflexions, l’hypothèse d’un puisard ayant été largement écartée, la perturbation des ossements à l’intérieur du caveau est imputée à une intrusion humaine relativement récente. Après une inspection, le caveau a été refermé en assurant son étanchéité et sans doute la pelle a-t-elle été oubliée.

Gilles Charpy-Puget évoque la découverte d’autres sépultures sous dalles non loin, dans la commune et aussi la présence de la chapelle Sainte Marie toute proche.
plan-de-sepultureLe GRAT prend alors contact avec le Service Régional de l’Archéologie pour l’informer de la découverte de cette sépulture singulière.

À la mi-juillet le GRAT revient sur le terrain car Gilles Charpy-Puget souhaite poursuivre ses travaux. Un certain nombre d’ossements humains vont être à nouveau mis au jour, remaniés pour la plupart dont une vertèbre cervicale en contact avec des dents. Un tibia, pris dans l’argile jaune, semble ne pas avoir été bougé comme les os du pied qui le suivent montrant que le sujet avait été initialement placé dans sa tombe la tête à l’ouest , tournée vers le soleil levant.

Les observations se poursuivent. L’ensemble des ossements est lavé. Le caveau est vidé totalement , et d’autres ossements sont encore exhumés dont plusieurs fragments d’un crâne. La dalle ouest de couverture pèse près de 300kg, elle s’avère être en grès feldspathique qu’on peut trouver à l’ouest de Sagy, au mont Saint Romain, par exemple, mais aussi au niveau de Burgy.

cranes-deforme-et-temoinParmi les ossements remontés, le crâne de l’individu inhumé présente une déformation volontaire du frontal. Le GRAT contacte alors des spécialistes, Henri Gaillard et Germaine Depierre qui reconnaissent dans cette déformation une pratique burgonde (pendant la croissance, le crâne était contraint par des bandelettes ou autre). M. Gaillard estime alors qu’on doit pouvoir dater la tombe du V° siècle. Cette attribution chronologique sera confirmée par une analyse radiocarbone donnant comme date la plus probable 421 ap, J.-C.(1) : On peut donc bien parler de la découverte d’une sépulture burgonde à Cruzille, la première du département à avoir donné un crâne déformé.

Dans la zone où a été trouvée cette sépulture on sait qu’à diverses époques d’autres tombes ont été rencontrées. Jean-Gérard Guillot a rapporté aux membres du GRAT qu’il avait découvert une fosse en pierre sèche, vide d’ossements sur l’emplacement théorique de l’ancienne Chapelle Sainte Marie, et une autre fosse d’environ 2m sur 0m60, fermée par trois dalles dans son ancien cuvage, à priori vide d’ossements également. D’autre part Gilles Charpy-Puget sait que lors de travaux, sur la route qui borde sa maison, une autre sépulture avait été signalée vers 1958.

Une fois l’ensemble des objets enlevés, Gilles a été autorisé à reprendre ses travaux, la sépulture ayant livré une partie de son secret.

(1) Lyon-4594 (GrA) Age 14C BP : 1625 + 30 soit un âge calibré de 385 à 534 ap, J.-C. avec comme date la plus probable 421 ap. J.-C.

 

Cruzille : haut moyen-age … et avant
La Verchère, Sagy
 

 

Avril 2003 : alors qu’il va entreprendre des travaux de construction dans une parcelle lui appartenant, au lieu-dit La Verchère à Sagy, Gilles Charpy-Puget prévient le Groupe Archéologique de Tournus car il sait que des silex et des objets gallo-romains ont déjà été trouvés dans cette zone, il pense que, lors de ses travaux, de nouvelles découvertes pourraient avoir lieu. Une première visite est fixée au 12 avril. À leur arrivée sur les lieux, alors que le sol a déjà été décaissé, les personnes du GRAT trouvent quelques silex taillés. Dans un angle du terrain, ils repèrent un bombement et la présence de pierres. Une grande dalle de pierre, également les interroge.
Un point important est à souligner : Ce terrain est une ancienne pépinière, et il est donc probable que les pierres qui bordent encore la parcelle, ont été extraites du champ et parmi elles il doit y avoir, provenant des anciennes constructions, des restes encore présents aujourd’hui dans le sol.
Du 12 avril au 17 mai 2003, les travaux de Gilles Charpy-Puget vont se poursuivre, mais accompagnés, le plus souvent, et régulièrement, par des membres du GRAT, dont Jean Duriaud, qui effectueront des décapages, des sondages, des relevés, des prélèvements …
Voici une liste des principales observations et prélèvements : (Attention, cette liste ne correspond ni à la chronologie des travaux, ni à celle des différents habitats supposés ou mis en évidence , pour plus de précision et de rigueur on se reportera au document du GRAT*)
 mobilier-prehistoriquemobilier-prehistorique-legende
  • Des silex, et une hache en pierre polie,
  • En plusieurs endroits des gros blocs de calcaire alignés, et sur certains d’entre eux des restes d’argile jaune, le liant sans doute, qui formaient des murs, dont certains sont contemporains, en contact parfois entre eux pour constituer des constructions . Ces murs sont souvent d’époques différentes,
  • Une première fosse F2 : remplissage de terre grise ponctuée de très nombreux charbons de bois et de granules de terre cuite,fosse
  • Les contours d’une deuxième fosse F3 : remplissage de terre noire, charbons et granules de terre cuite, des tessons noirs et une petite boucle de ceinture en bronze,
  • Un trou de poteau et trois dallettes à plat F4 et au fond 4 couches de pierres plates,
  • Des fragments osseux paraissant humains calotte crânienne et diaphyse d’humérus, puis confirmés, après découverte d’une mandibule inférieure humaine accompagnée de deux fémurs, témoins d’ une sépulture encore en partie en place,
Des morceaux de céramique médiévale surtout, avec parfois des traces visibles de tournage, aux parois très fines (4 à 6 mm). Les couleurs vont du crème clair au noir foncé en passant par le gris bleu. Parmi les tessons récoltés plus épais, de petite dimension, certains sont à rapporter à une période antérieure préhistoire ou protohistoire.mobilier-medieval

Tous les vestiges récupérés sont marqués : CRZ Ver 03 (Cruzille Verchère 2003)

Conclusions et interprétation du groupement archéologique :

Les investigations n’ont pas pu être menées à bout, de nombreux doutes persistent quant au classement chronologique des témoins rencontrés mais de nombreuses informations ont été récoltées. D’autres recherches seraient nécessaires pour mieux interpréter les structures et mieux comprendre les différentes phases d’occupation qui ont affecté ce quartier du village.
Voici la copie de l’analyse proposée par les membres du GRAT en 2004 :
« … On peut d’ores et déjà tracer à grands traits l’histoire de ce secteur. Au Paléolithique moyen , c’est un lieu de passage de Néandertaliens installés un peu plus au sud, dans le Mâconnais. Au Néolithique, mais plus sûrement au Gallo-romain, il se trouve à la périphérie immédiate d’un habitat. Il conviendrait de rassembler toutes les découvertes de témoins archéologiques signalés dans cette zone pour localiser précisément ces lieux d’implantation.plan-batiments
Il faut attendre la fin du Haut Moyen Âge pour voir les premières structures d’habitat s’inscrivant ici dans le sol. La fosse F2 est sans doute la première à avoir été creusée. Son remplissage ne contient en effet aucun bloc de calcaire, signe que les bâtiments en pierres n’étaient pas encore édifiés. Les trous des poteau F1, F4 et F5 appartiennent indéniablement à la même phase de construction étant donné leur grande similitude avec notamment ces dalles placées au fond sur plusieurs épaisseurs. Leur remplissage qui, là non plus, n’est pas pollué par des pierres, plaide pour une datation haute. Sans doute a-t-on affaire à un bâtiment à ossature et couverture végétale ?
Vient ensuite une construction en pierre solidement fondée sur de gros blocs de calcaire tirés du substrat local, assis eux-mêmes sur une semelle débordante. Le mur ouest M2 vient recouvrir la fosse F2. Les murs atteignent 75cm de largeur et les moellons sont liés à l’argile jaune. Le plan suggère une pièce de dimensions intérieures de 7m sur 8m avec un sol qui peut, par endroits, inclure de minces plaquettes calcaires. On devine une zone foyère à même le sol d’argile et proche d’un mur de refend (mur M6). Le mur M3 au sud et son retour oriental (M4) suggèrent la présence d’un autre bâtiment à moins qu’il ne s’agisse que d’un enclos. La sépulture sera en tout cas implantée à l’intérieur du rectangle délimité par ces murs.

Les décrochements observés dans les murs et les indices relevés dans la coupe nord attestent d’une seconde campagne de construction aux dépens des matériaux de l’édifice initial. La première assise des murs, qui se surimpose à une couche de démolition riche en pierraille, met en œuvre les mêmes gros blocs, mais apparemment sans semelle de fondation cette fois (mur M1). Le bâtiment s’élève plus au nord où ses premières assises dessinant son plan doivent être en grande partie conservées. En l’absence évidente de mur, on saisit mal comment l’édifice était fermé au sud. Vu leur position, les trous de poteau pourraient revendiquer un rôle dans un tel dispositif, mais comme nous l’avons dit, nous ne pouvons les considérer comme contemporains de cette ultime phase de construction. Finalement une sépulture est installée en pleine terre, à faible profondeur, vraisemblablement après l’abandon du site… ».

*D’après Jean Duriaud 2004. Archéologie en Tournugeois -Prospection-inventaire année 2003 Extrait La Verchère. Service Régional de l’Archéologie de Bourgogne, Dijon.

Sculptures

Dans le village il existe chez des particuliers un certain nombre de sculptures ou fragments. Quelques Cruzillois ont eu la gentillesse de nous dévoiler leurs « trésors », que nous allons donc vous présenter accompagnés d’un petit commentaire de Pierre Velon, fin connaisseur en sculpture médiévale qui nous a donné un premier avis à partir des photos présentées ; dès que possible les pièces lui seront présentées directement et l’analyse devrait pouvoir s’affiner.

Tête de femme Sculpture en pierretete-de-femme
Cette petite tête a été trouvée pendant les travaux de réfection des enduits extérieurs d’une maison de Collonges en 1980, sous les anciens enduits, dans
une petite niche ; elle s’y trouvait accompagnée d’un petit cœur en pierre. Faite de calcaire blanc cassé, elle mesure 12 cm de haut, 11 cm de largeur à sa base, et environ 7 cm d’épaisseur . Le cou est coupé pour former une base de socle plat. Le nez est en partie enlevé, la bouche est souriante, la chevelure, longue, bien mise en relief, présente un relief horizontal comme une trace de couronne ou ruban. Le sommet de la chevelure et de la tête est légèrement cassé, sur la gauche. Sur le profil droit on distingue bien les formes d’un voile.

Selon Pierre Velon : au premier coup d’œil, la petite sculpture est particulièrement intéressante. Sa facture est plus “savante” que “populaire”. Bien que sans mentonnière, la coiffure la situerait autour de 1400-1450. La cassure de la base a dû être retaillée pour stabiliser la pierre.

Femme au jupon Sculpture en pierrefemme-au-jupon
La pièce a été trouvée au milieu des années 1970, à Sagy le Bas près de la Maison de Jean-Gérard Guillot à l’entrée sud du Hameau, par Mr Guillot Pierre, sur un lieu où aurait existé la Chapelle Ste Marie dans des temps anciens. C’est Julien, petit-fils de Pierre qui présente cette belle pierre.
C’est le bas d’un personnage féminin, sa jupe avec un pied (l’autre, cassé, est absent), dont la partie supérieure, disparue aujourd’hui également, a été cassée.
L’ensemble est monobloc, en calcaire beige un peu doré, le pied encore présent, est sculpté avec son sabot. La jupe est sculptée verticalement afin de donner une impression de volume, au bas on distingue une autre forme, comme l’évocation un jupon qui dépasse.
La sculpture mesure 75 cm de hauteur totale, dont 45 cm pour la jupe, et environ 35 cm au plus large de la jupe, l’arrière est plutôt brut de travail, signe que le personnage devait être placée contre quelques chose (niche, mur , autel etc.). Cela permet d’imaginer un personnage mesurant 1,20 m de hauteur au moins.

Hypothèse provisoire de Pierre Velon : Il n’y a pas grand chose de lisible sur la robe de cette grande sculpture. Le reste de chaussure, vu de plus près, pourrait peut-être apporter un renseignement. La facture est apparemment médiévale, mais cela reste à vérifier.

Linteau de porte de maisonlinteau-de-porte
Cette belle pierre de linteau de porte, de couleur grise, sculptée d’une belle accolade provient d’une ancienne maison située sur l’emplacement de la cave actuelle des Vignes du Maynes, construite par Julien Guillot dans les années 1980. Sur cette pierre vient se positionner un petit médaillon, sculpté d’une partie d’une croix, détaché au moment de la découverte. Le linteau mesure environ 1m de longueur pour 45 cm de hauteur et 26 cm de profondeur. Le morceau de médaillon en forme de ½ cercle, mesure environ 135 mm de diamètre et 110 mm de hauteur.


Analyse de Pierre Velon : Le linteau en accolade à cavet s’est fait pendant longtemps, même assez tard dans le XVIe siècle. La petite croix m’intéresse tout spécialement : c’est la partie basse d’un écu de forme ancienne, aux armes de… Nanton. Il n’y a pour ces époques que deux ou trois familles qui portaient une croix : Nanton, Messey, et Layé (Layer). À Cruzille, la famille de Nanton a possédé le fief du XIVe au XVe siècles. Plus précisément, en 1442, Etienne de Nanton est “seigneur de Saigey et Collonges les mâconnoises”. Une partie des terres (Ouxy, au moins) a également été dépendante du fief de Nobles (François de Nanton), très proche par la montagne, cela pourrait situer certains éléments de sculpture dans l’histoire.

A la recherche du passé cruzillois : l’époque moderne

Les temps modernes


Les temps modernes commencent généralement avec les grandes découvertes ce qui marque la fin du Moyen Âge (notamment la découverte de l’Amérique en 1492) se terminent au moment de la Révolution française en 1789.
 
  • Les grandes Découvertes. A la fin du XVème siècle, de nombreux progrès technologiques, comme l’invention du gouvernail, de la boussole, permettent aux hommes de lancer de grandes expéditions, pour explorer le monde : c’est le temps des Grandes découvertes. Ainsi Christophe Colomb, en 1492, découvre l’Amérique, tandis que Vasco de Gama, en 1498, ouvre la route des Indes. Magellan réussit, quant à lui, le premier tour du monde de 1519 à 1521. Au XVème siècle, également invention de l’imprimerie par Gutenberg.

 

  • La Renaissance. A cette même période, de la fin du XVème siècle au début du XVIème siècle, les rois de France tels que François 1er, mènent tour à tour la guerre contre l’Italie. Ils y découvrent alors un nouveau mouvement artistique, qui est très suivi par les artistes français : c’est le début de la Renaissance. Désormais, les peintures, les sculptures et les constructions des châteaux sont fortement influencées par ce style qui s’inspire de l’Antiquité. De grands artistes s’illustrent pendant cette période de la Renaissance, comme Michel-Ange ou Léonard de Vinci, qui vécut d’ailleurs, vers la fin de sa vie, à la cour de François 1er.

 

  • La monarchie absolue. A la fin du XVIème siècle, les Français sont divisés par les guerres de religion. Catholiques et protestants s’engagent ainsi dans une guerre civile très meurtrière. C’est Henri IV, protestant d’origine, mais acceptant de se convertir au catholicisme, qui réussit à y mettre fin. Ainsi commence la monarchie absolue. Son fils louis XIII et son petit fils Louis XIV continuent à diriger le pays de façon autoritaire. Ils s’intéressent aussi aux arts, aux sciences, aux guerres, mais bien peu à la vie des paysans…

Quelques exemples de châteaux de cette époque en Saône et Loire :

  • Le château de la Clayette dont la construction débute au XIVème siècle ;
  • Le château de Cormatin ;
  • Le château de Chasselas …

Cruzille à l’époque moderne 

Cruzille à l’époque moderne 

L’inventaire archéologique du village ne recense que l’église pour cette époque là.

  • Eglise de Cruzille : la Pierre tombale de Jacques-Philippe de la Baume Montrevel 1654-1731

Dans l’église de Cruzille, il y a, intégrées dans le pavement, plusieurs pierres tombales, l’une d’entre elles, dans la Chapelle des seigneurs de Cruzille, porte cette inscription (encore bien lisible aujourd’hui) :

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On sait que le château de Cruzille a été largement engagé durant les guerres de religion. Cette tombe en est un peu le symbole.

Jacques-Philippe-Eugène de la Baume Montrevel était le neveu de Nicolas-Auguste de la Baume Montrevel (1636-1716), Maréchal de France, avec qui il avait participé activement aux campagnes contre les protestants des Cévennes (les maquisards) prolongement des guerres de religion. Mis en réforme en 1697, très handicapé par ses blessures de Guerre, il est venu se retirer dans son domaine de Cruzille, et y mourir en 1722. 

Dans les Bulletins de l’Académie du début du XX° siècle , numérisés maintenant, on trouve un rapport fort étonnant d’une séance de l’Académie de Mâcon du 4 septembre 1902. Lors de cette séance, sous la Présidence de Mr Pellorce , en présence de Messieurs Arcelin (l’un des découvreurs du site de Solutré) et diverses sommités, après lecture du procès verbal de la séance du mois d’août, par M. le Dr Biot, secrétaire adjoint, la parole est donnée à M . Lacroix pour ajouter quelques mots sur les fouilles qui ont été opérées, sous la direction des membres de l’Académie, à l’église de Cruzille, lors de la visite faite avec M. de Benoist de Grevilly. Voici le texte de son intervention :

«  Cette église renferme dans une chapelle seigneuriale, très facile à reconnaître, le tombeau du comte de Montrevel. On avait dit, à une certaine époque, que dans des réparations faites à l’église, ce tombeau ayant été ouvert, on avait vu flotter sur l’eau qui l’avait envahi, une planche portant une armure de chevalier.
Après avoir au préalable demandé l’autorisation au maire et au curé de Cruzille, les membres de l’Académie présents à l’excursion firent ouvrir devant eux le tombeau. On se trouva en présence de deux caveaux accolés l’un à l’autre et remplis d’eau sur une hauteur de 0m80 environ, ce qui nécessita l’emploi de harpons pour en retirer les ossements. Dans celui de droite, que recouvrait la pierre tombale au nom du Comte de Montrevel, on ne trouva que quelques os longs : fémur, tibia, fragments d’os du crâne. Dans celui de gauche, on put extraire trois fémurs, dont deux de même grandeur et de même teinte, un autre plus petit. On y trouva, en plus une calotte crânienne très soigneusement sciée au dessus des arcades sourcilières, comme on le pratique habituellement pour une autopsie. Dans aucun des deux caveaux on ne put trouver le moindre objet de métal quelconque. Le Dr Biot a rapporté la calotte pour la déposer, si on le juge convenable, dans les collections de l’Académie… 
 ».

La suite du procès verbal ne fait plus cas de cette « excursion », ni du devenir de cet étrange crâne scié. Peut-être orne-t-il encore aujourd’hui une vitrine de l’Académie ? Quoi qu’il en soit, l’utilisation, par les « académiciens », du harpon pour repêcher la calotte sciée et les autres fragments, apparaît pour le moins étonnante.

Deux autres pierres tombales portant inscriptions, font partie du pavement du chœur de l’église pour deux Curés de la Paroisse Jean François Bégon, mort en 1717 et Joseph Bégon, neveu du précédent, mort en 1759, mais nous n’avons pas trouvé mention, à une date quelconque, de l’ouverture de ces sépultures.

  • Sainte Geneviève et sa statue énigmatiquetete-ste-genevieve

Nous avions rédigé en 1998, un dossier dans le bulletin municipal N° 13. À cette époque le Musée Greuze de Tournus était encore dans ses anciens locaux, une personne nous avait gentiment fait parvenir une photo d’une belle tête de pierre, intitulée « Vierge en majesté du 16° » et nous l’avait présentée, alors, comme celle de Sainte Geneviève, dont la statue avait été cassée précédemment. Cette personne ne savait rien de son histoire seulement que cette tête appartenait aux collections du musée Greuze depuis 1911 au moins.

Nous avions aussi rapporté ces paroles de Lucien Bonvilain (1917-2005) :

« Lorsque j’étais enfant, la centenaire du village racontait des histoires à mes sœurs plus âgées, notamment la légende attachée à la roche Sainte Geneviève ; les vieux prétendaient avoir vu l’empreinte du sabot du cheval du comte de Tavannes et affirmaient pouvoir la montrer. La statue mal scellée dans sa niche aurait été renversée par le meunier du moulin Meurier qui avait grimpé à la roche : elle s’est brisée en tombant, seule la tête a été récupérée et entreposée chez M. Guénebaud (actuelle maison de M. Guilloux). »

Depuis nous n’avons pas appris grand chose de plus, mais la même statue est toujours en place dans la niche de Sainte Geneviève depuis bien longtemps, un siècle au moins ! Elle est difficile à voir, à appréhender, il faut profiter des journées d’hiver où les arbres ont perdu leur frondaison et laissent ainsi un peu mieux le champ libre aux regards. Qui l’a fabriquée ? Qui l’a installée ? Cela reste un mystère, mais on peut affirmer, comparant les 2 sculptures que l’une, la tête en majesté est de facture très élégante et que l’autre, en place et dans son entier, apparaît beaucoup plus grossière beaucoup plus rurale mais qu’elle continue à veiller fidèlement sur ce joli vallon de l’Ail.

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Cadoles, murgers

Cadoles, murgers, vestiges d’une agriculture pré-phylloxérique
“Cadeules, meurgers, … Qu’es aquò ?”

Cadoles et murgers sont nombreux en Bourgogne ! Ce petit patrimoine vernaculaire, témoin de la vie quotidienne de nos campagnes d’autrefois, nous entoure sans que nous y prêtions vraiment attention. Et pourtant…


Un élément déterminant du paysage viticole bourguignon


Avant le phylloxéra (1875-1885), Cruzille était couvert de vignes. Les ceps ancestraux d’avant cette période ont quasiment disparu mais les murs de pierre orphelins ont gardé leur « architecture » pour l’œil averti : en épi ou en délit oblique, épousant les ondulations du terrain, ils résistent au gel et aux intempéries.


Parfois les amas de pierres (ou murgers) laissent deviner la base d’une cadole, dont les lierres et ronciers masquent la solitude. Les cadoles désignent, en patois bourguignon, de petits cabanons en pierre sèche, souvent de forme circulaire (en cul-de-four), adossés à des murgers, ouverts à l’est (au soleil levant, côté opposé à la pluie). 


Origine des cadoles et murgers


Malgré leurs appellations qui divergent, les cadoles et murgers ont une caractéristique commune, leur système de construction en pierre sèche. Ainsi, les premiers moines défricheurs du XI° siècle construisaient déjà des murgers ! Les cadoles sont apparues plus tardivement, probablement au XVIII° siècle, quand l’augmentation démographique obligea les paysans à défricher de nouvelles terres pour les rendre cultivables.


Après le défrichage, suivait le minage, c’est-à-dire l’épierrement de la parcelle pour y cultiver, chez nous, surtout de la vigne. Les pierres ramassées étaient transportées dans des hottes en osier puis déposées aux bords des champs, formant de véritables pierriers (tas de pierres). Monter des murets ou des cabanes avec ces pierres permettait de les évacuer et d’éviter l’effondrement des tas.


La plupart du temps datant du XIX° siècle, les cadoles sont de petites cabanes qui servaient de resserres-à-outils ou d’abris pour les vignerons lors des intempéries (en cas d’orage) et à l’heure du casse-croûte, mais aussi de cache pour les malades contagieux en quarantaine ou les maquisards et contrebandiers en fuite. D’autres, bien cachées dans la forêt ou en contrebas de chemins, auraient abrité des rendez-vous galants ou peut-être même servi de refuge à des petits malins qui voulaient échapper à l’impôt de la gabelle au XVIII° siècle !


cadole-murger-pierre-sur-chantLes murgers sont des amoncellements de pierres, plus ou moins organisés et rangés jusqu’à former de véritables murailles, parfois, qui délimitent les parcelles de vignes. Abritant les vignes du gel, ils contribuaient à la création d’un climat favorable aux parcelles dont la faune locale bénéficiait également. Ces pierres étaient posées parfois sur le chant afin de dissuader les chèvres escaladeuses et les moutons de ravager les terres cultivées et permettaient aux eaux de pluie de s’écouler normalement, tout en retenant la terre des parcelles souvent en pente.

Historique du mot

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  Historiquement, le terme de cadole n’a pas toujours été associé à l’emploi de matériaux en dur : il désignait aussi la cabine en planches de certains bateaux servant au transport fluvial sur la Saône et le canal du Charolais (aujourd’hui canal du Centre) aux XVIII° et XIX° siècles (avant l’apparition des péniches). Par extension, le nom en était venu à désigner l’embarcation elle-même, vaste barque affectée au halage de la houille.

Des appellations multiples

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Ces constructions se rencontrent un peu partout en France dans les régions calcaires, mais c’est surtout dans le centre, le sud et l’est que ces petites cabanes sont les plus nombreuses ! Leur nom varie d’une région à l’autre : barracuns en Corse, borries en Provence, cabornes dans le Lyonnais, capitelles dans le Gard et l’Hérault, gariottes en Dordogne, loges dans le Berry… Rien qu’en Bourgogne elles ont différentes appellations : cadoles mâconnaises, cabordes du tonnerrois, borniottes, cabottes, cabiottes, et même loges ou louèges en avallonais. Le terme murger, le plus employé en Bourgogne pour désigner les entassements organisés de pierre, connaît lui aussi des variantes, les termes merger, meurger ou encore murger. Le mot est issu du patois bourguignon qui tire son origine du mot gaulois « morg » qui signifie « limite ». 


Un puzzle grandeur nature


La construction en pierre sèche est un art délicat. Les pierres les plus communes servaient à dresser les murgers. Elles étaient empilées sans mortier et soigneusement calées par un ajustement méthodique.

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Les pierres les plus belles, plates, larges et faciles à appareiller, étaient réservées à l’édification des cabanes. Les pierres étaient assemblées les unes sur les autres par un jeu subtil d’équilibre et de pression, sans aucun mortier. Elles étaient maintenues en place par leur propre poids. La voûte était uniquement composée de pierres extrêmement lourdes qui tenaient par un habile jeu de pression. 


Les paysans à l’origine de ces petits édifices se transmettaient les méthodes de construction de génération en génération. Ils parvenaient même à édifier de petites coupoles composées uniquement de laves !

Les laves de Bourgogne

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Les lauzes, pierres calcaires plates, appelées laves en Bourgogne, sont larges mais peu épaisses. Les laves de Bourgogne sont extraites de formations géologiques datant du jurassique ! Formées il y a environ 165 millions d’années par les courants marins qui ont façonné la pierre en fines plaquettes, les laves contiennent souvent des incrustations de petits végétaux fossiles ou de coquillages.

Typologie des cadoles

Les cadoles sont généralement de petite taille, pouvant abriter une ou deux personnes assises ou accroupies. Construites par les paysans autodidactes à la morte saison, les cabanes relèvent de mode de construction non professionnelle. Aussi, il est impossible de trouver deux cadoles identiques ! Cependant on en distingue plusieurs types selon qu’elles présentent un plan rond, ovale, en quadrilatère ou en polygone. Les cadoles peuvent contenir quelques aménagements intérieurs comme une niche ou un banc de pierre. Les plus grandes étaient équipées d’une véritable cheminée tandis que les plus sommaires se contentaient d’un trou au sommet pour évacuer les fumées du foyer. L’ouverture unique était généralement aménagée vers l’est, à l’opposé de la pluie. Elles sont souvent adossées ou incluses dans des murgers.

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Un abandon progressif

 

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La grave crise du phylloxera qui toucha le vignoble bourguignon dès 1875 marqua le début du déclin des murgers et cadoles, encore aggravé par la désertion des campagnes lors de la Première Guerre Mondiale, et la modernisation du travail de la vigne à partir des années 1920. De nombreuses structures en pierres sèches ont disparu depuis cette époque, souvent par manque d’entretien faute de temps et de savoir-faire technique. D’autres, en ruines, sont encore visibles au milieu de parcelles où la forêt a repris le pouvoir. La plupart ont aujourd’hui perdu leur toiture. 


Cadoles et Archéologie


Ces vestiges d’une période révolue, d’avant la mécanisation, sont-ils des objets archéologiques classiques ? Serait-il intéressant d’y entreprendre des fouilles par exemple ?

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Fouiller le sol d’une de ces cabanes a déjà été entrepris (Cabanes en pierre sèche de France, C. Lassure et D. Repérant, 2004) et « par chez nous », à plus forte raison ! Mais malheureusement, « la cadole ne livre que dalles ». Voilà le constat auquel était arrivé, en 1997, le GRAT, auquel nous nous référons de nombreuses fois dans ce bulletin. Il avait « procédé au dégagement » d’une cadole « dont la voûte effondrée semblait à priori recouvrir un remplissage épais, susceptible de receler des vestiges contemporains de son édification. Tout ce que révéla la « fouille », c’est que l’édifice était en fait construit sur un murger et que le sol en avait été régularisé par un dallage. Ne furent retrouvés que « des fragments de céramique de facture récente ».
Nos cadoles constituent plus que jamais un patrimoine extrêmement menacé, car celles qui subsistent ont atteint à présent, selon les spécialistes, leur espérance de vie.
Les recenser (type, fonction) mais également localiser celles qui ne se sont pas encore effondrées, déterminer la cause de leur éventuelle destruction (mauvaise qualité de la construction, faiblesse des matériaux, envahissement de la végétation, intempéries, pillage, vandalisme, mauvaise restauration…), intervenir si possible (et à la demande de leur propriétaire) pour tenter de les protéger, de préserver certaines d’entre elles, à commencer par les plus remarquables : Voilà ce qu’il est encore possible de faire.
Car « l’archéologie » la plus importante et donc « la plus justifiée est celle de leur structure au dessus du sol, c’est à dire l’analyse constructive (structure, technique de construction), architecturale et stylistique des parties visibles » de la cadole (C Lassure). C’est cette diversité, décrite avec tant de finesse par Michel Bouillot qu’il faut protéger, sauvegarder et transmettre (le livre des Cadoles de Bourgogne du Sud).


Et vous, avez-vous, ou connaissez-vous, des cadoles et murgers près de chez vous ?

Grâce à vos indications et aux indications précieuses des anciens et des agriculteurs, peut-être pourrions-nous recenser les cadoles sur le territoire communal et si elles ne sont pas en bon état, les remonter ou les reconstruire ?

Evolution de la population agricole

Historique de la population agricole à Cruzille depuis deux siècles

Au 19ème siècle ainsi que dans la première moitié du 20ème avant la guerre de 39/45, la majorité des habitants du village vivait d’une petite agriculture vivrière, c’est à dire celle qui la faisait « vivre », celle qui la nourrissait. Ils avaient quelques arpents de terre qu’on leur prêtait ou attenant à la maison qu’ils louaient, pour beaucoup ils y cultivaient leur potager dans lequel couraient quelques poules. Ils avaient, parfois, pour les moins pauvres, un porc nourri avec les déchets alimentaires, ou avec ce qu’ils glanaient. Certains avaient quelques chèvres qui leur assuraient ainsi un peu de lait et des fromages qui pouvaient être vendus. Un certain nombre travaillait aux travaux agricoles comme journaliers, ou ponctuellement, au moment des moissons, des vendanges. Les propriétaires terriens, plus importants ou plus riches, avaient des ouvriers agricoles, en plus ou moins grand nombre, des bergers parfois et, éventuellement, des métayers, s’ils n’exploitaient pas eux-mêmes leurs terres. En résumé, l’activité du village était alors presque entièrement tournée vers l’agriculture.

L’évolution de la population : Les recensements de population

NB : si certains chiffres apparaissent erronés, c’est du aux difficultés de transcription de certains registres anciens
*De 1949 à 1954 les enfants de l’institut du château ne sont pas recensés, à partir de 1954, ils sont recensés à part , on a donc le calcul de la population municipale (et celui de la population globale).

Les recensements de population sont effectués régulièrement , par l’administration française, depuis 1836 et à peu près tous les 5 ans depuis. Ils permettent de mettre en évidence les périodes importantes de forte population ou au contraire d’exode.

On voit qu’à partir d’un pic de 760 habitants en 1836, il y eut une première baisse importante de la population, à la fin des années mille huit cent quatre-vingt, ce qui correspond à la pleine période du phylloxera affectant le vignoble. Ensuite, progressivement, les vignes malades, arrachées, vont être replantées mais en attendant qu’elles se remettent à produire, il va falloir travailler tout de même, et donc un certain nombre de familles d’ouvriers, mais de propriétaires aussi, vont devoir quitter le village, d’où une population réduite à 396 habitants en 1896.

La deuxième baisse sensible de population est une conséquence de la guerre de 14/18, les hommes, jeunes et moins jeunes, étaient mobilisés. A la fin du conflit (que certains n’ont terminé qu’en 1919 !), quand ceux qui avaient réchappé aux combats sont revenus (17 Cruzillois sont morts au combat), le travail n’a pas été facile pour tous. Beaucoup étaient blessés, handicapés, la vie s’était transformée au hasard de la guerre, et dans certains foyers, il n’y avait même plus d’hommes pour travailler ! À nouveau des familles ont donc du partir vers d’autres horizons (villes, industries ou autre) où le travail serait peut être moins dur à trouver, d’où une population de 286 habitants en 1921.

Ensuite, c’est juste après la guerre de 39/45 en 1946, que la population sera au plus bas avec seulement 216 habitants !

À partir de ce chiffre minima, la population communale remontera très légèrement pour rester ensuite relativement stable, voisine de 250 habitants, jusqu’en 2011 avec 246 habitants (*Attention sur le tableau on distingue bien population communale d’une part, et population globale d’autre part, qui comptabilise les enfants internes de l’Institut du château).

Les statistiques agricoles des archives municipales

Grâce aux statistiques agricoles réalisées depuis longtemps et relativement fréquemment, en particulier à la fin du 19ème siècle , en les recroisant éventuellement avec les données des recensements de population, on peut observer les changements dans la vie agricole.

En 1836, 195 cultivateurs ou cultivatrices sont recensés sans précision, seuls 3 fermiers sont distingués. Par contre il existait 2 charrons, 6 fendeurs de bois, 4 scieurs de long,1 bûcheron, 1 meunier, 4 maréchaux-ferrants, 1 garde forestier, 1 garde champêtre, 2 marchands de vin, 1 marchand de fromage, qui appartenaient aussi au secteur de l’agriculture. Tous ces métiers semblent avoir été le reflet d’une vie agricole intense.
On note aussi , un grand nombre de domestiques dont les tâches n’ étaient pas précisées et qui pouvaient être affectés à l’entretien, la cuisine, le service , mais aussi , bien souvent, aux travaux agricoles ; enfin, les épouses n’étaient pas toujours comptabilisées comme cultivatrices.

En 1906, 387 habitants sont recensés à Cruzille, sur cet ensemble on dénombre, sous des dénominations variées (cultivateur, propriétaire récoltant, vigneron, métayer, berger…) plus de 200 personnes travaillant dans l’agriculture, soit plus d’une personne sur 2 de la population globale (qui comprend aussi, bien sûr, les enfants qui n’ont donc pas encore de métier). Ainsi il apparaît juste d’affirmer que la vie du village était essentiellement tournée vers l’agriculture. Les autres professions  représentées étaient celles d’ instituteur, buraliste, épicier, couturière, blanchisseuse, boulanger, commerçant, aubergiste, marchand ambulant, rentier, tisserand, menuisier, charpentier, forgeron, maçon, domestique, jardinier, tonnelier, charbonnier, cordonnier, géomètre expert, scieur de long, cantonnier, garde champêtre…

Les cultures, les récoltes

En 1889, 103 producteurs avaient leurs récoltes inventoriées : froment, orge, avoine, maïs, pommes de terres, betteraves fourragères, trèfle, luzerne, foin, regains, noix. 31 d’entre eux exploitent 199 coupées (1coupée = 4,5 ares) de vignes qui ont produit 54 hl de vin.
En 1890, on retrouvait les mêmes cultures mais aussi : seigle, méteil, millet, sarrasin, colza, chanvre, sainfoin, fruits, légumes frais, légumes secs, et il est précisé qu’il y avait 130 ha de prairies naturelles.
Un petit tableau des archives communales, comparant 1914 et 1917, montre les baisses de productions agricoles pendant la 1ère guerre mondiale.

Le bétail

Il évolue selon les années mais il reste important jusqu’au milieu du 20ème siècle. En 1872, de nombreux foyers sur tout le village, avaient quelques chèvres (1à 4) et des poules, mais c’est à Fragnes qu’on trouvait le plus grand nombre de bêtes, notamment de bovins.

Pendant la période de guerre 39/45 des inventaires réguliers et permanents du bétail sont organisés.

La vigne, le vin

En 1864, 144 exploitants viticoles étaient cités pour une surface de vignes de 4630 coupées soit près de 210 ha. La crise du phylloxera allait sévir, puis la guerre de 14/18, on ne compterait plus que 69 exploitants toutes productions confondues !

Au début du 20ème, des plantations de nouveaux cépages vont être essayées contre le phylloxéra, notamment le Noah (blanc) et l’othello (rouge) ces essais s’avéreront vains, et, de plus, à partir de 1935, ces cépages seront interdits, car considérés comme toxiques (à l’époque le Noah aurait donné le « vin qui rend fou »).

1926 voit la création de la première Cave Coopérative du Mâconnais à St Gengoux de Scissé.

L’INAO (Institut National des Appellations d’Origine), créé en 1935, et la loi sur les AOC vont permettre une meilleure organisation des plantations en désignant les cépages adaptés à notre région : Chardonnay, Gamay et Pinot noir pour le Mâconnais. Le métier de viticulteur s’organise donc véritablement et, malgré la guerre de 39/45 qui va sévir, la reconstitution du vignoble se poursuit lentement à Cruzille (comme ailleurs). En 1969, il atteint 71 ha !